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ramenai mon beau-père mourant, et, la veille du jour de l’acceptation de l’acte constitutionnel, j’appris à la reine qu’il n’existait plus. « La perte de Lassonne et de Campan, dit-elle en essuyant ses yeux remplis de pleurs, m’a fait connaître à quel degré de semblables sujets sont précieux à leurs maîtres. Je ne les remplacerai jamais. »

J’avais repris mes fonctions près de la reine le 1er septembre 1791. Je fus frappée du changement étonnant que le malheur avait déjà imprimé sur ses traits. La totalité de ses cheveux étaient devenus presque blancs pendant le seul trajet de Varennes à Paris. Elle avait perdu le sommeil. Désirant avoir le plus tôt possible la consolation que le jour venait apporter à ses douleurs, on ne fermait plus les volets. Je trouvai encore existans tous les gardes établis dans les endroits les plus reculés de ses appartemens ; un commandant de bataillon passait la nuit, assis dans l’intervalle des deux portes, entre le salon et la chambre à coucher. Les battans étaient ouverts du côté de la reine, et son fauteuil placé de manière à ne la point perdre de vue. On avait fait même des difficultés pour permettre qu’un lit à colonne fût roulé tous les soirs près du lit de la reine pour coucher sa première femme, alléguant que ce lit empêchait le commandant de bataillon d’avoir directement les yeux sur celui de la reine.

Toute la journée, la porte du salon où se tenait la famille restait ouverte de manière à ce que les