Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/330

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gardes pussent voir et entendre la famille royale. Le roi l’ayant fermée plusieurs fois, elle fut toujours ouverte à l’instant même par l’officier qui lui disait d’un ton imposant : Permettez que cette porte ne soit pas fermée ; c’est ma consigne. Un capitaine de la garde passait vingt-quatre heures de suite au fond du corridor obscur qui règne derrière l’appartement de la reine. Il avait près de lui une table et deux bougies. Ce poste, ressemblant à la plus sévère prison, n’était nullement recherché ; Saint-Prix, acteur de la Comédie française, s’y était presque consacré, et sa conduite envers ses infortunés souverains y fut constamment respectueuse et touchante. Le roi arrivait dans l’appartement de la reine par ce corridor, et, souvent, l’acteur du Théâtre français procura à l’auguste et malheureux couple la consolation de s’entretenir sans témoins. La rigueur avait été portée au point qu’un officier, nommé Collot, fit lever la consigne qui lui enjoignait de suivre la reine jusqu’à sa garde-robe, et de rester en faction à la porte tout le temps qu’elle y demeurerait.

Le jour où je repris mon service auprès de Sa Majesté, elle ne put m’entretenir de tous les tristes événemens qui s’étaient passés depuis l’instant où je l’avais quittée, ayant ce jour-là près d’elle un officier de garde qu’elle redoutait plus que tous les autres. Elle me dit simplement que j’aurais des services secrets à lui rendre, et qu’elle ne voulait pas inquiéter par de longues conversations avec moi