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cas arrivant que l’empereur eût une juste guerre à soutenir ; qu’elle ne put l’obtenir, et que M. de Vergennes, dans un entretien qu’il avait eu avec elle à ce sujet, avait mis fin à ses instances, en lui disant qu’il répondait à la mère du dauphin et non à la sœur de l’empereur[1]. Les quinze millions furent envoyés. On n’avait nul besoin d’argent à Vienne, et l’on y sentait tout le prix d’une armée française ; mais comment, disait la reine, a-t-on eu la perfidie de faire partir ces quinze millions de l’hôtel de la grande poste, en répétant sans cesse et faisant connaître, même aux porte-faix, qu’ils chargeaient des voitures d’argent que j’envoyais à mon frère, lorsque cet argent eût de même été fourni, si j’eusse été d’une autre maison, et que d’ailleurs il était envoyé contre mon vœu ?

Cette princesse n’avait jamais déguisé son éloignement pour la guerre d’Amérique ; elle ne concevait pas qu’on eût pu conseiller à un souverain de chercher l’abaissement de l’Angleterre, en attaquant l’autorité souveraine, et en aidant un peuple à organiser une constitution républicaine ; elle plaisantait souvent sur l’enthousiasme que Franklin inspirait aux Français ; et à la paix de 1783, elle affecta de traiter les seigneurs anglais et l’ambassa-

  1. Voyez dans les éclaircissemens, lettre (C), un passage assez étendu sur la position difficile où se trouvait M. de Vergennes au milieu des partis qui divisaient la cour, et des obstacles que ses vues politiques rencontraient en Europe.
    (Note de l’édit.)