Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/331

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au moment de mon arrivée, mon retour ayant été craint. Enfin le lendemain, la reine, connaissant bien la discrétion de l’officier qui devait passer cette nuit, fit placer mon lit très-près du sien, et ayant obtenu que la porte de sa chambre serait fermée, lorsque je fus couchée elle commença le récit du voyage et de la funeste arrestation à Varennes. Je lui demandai la permission de passer une robe, et, m’étant agenouillée près de son lit, je restai jusqu’à trois heures du matin à écouter, avec le plus vif et le plus douloureux intérêt, le récit que je vais rapporter, et dont j’ai vu des détails assez exacts dans plusieurs écrits du temps.

Le roi avait chargé M. le comte de Fersen, soustrait par le titre d’étranger aux inculpations nationales, de tous les apprêts du départ. La voiture avait été commandée par lui ; le passe-port, sous le nom de madame de Korf, était dû à ses relations avec cette dame étrangère. Enfin il avait lui-même mené en cocher la famille royale jusqu’à Bondy, où les voyageurs montèrent dans leur berline. Madame Brunier et madame Neuville, les deux premières femmes de Madame et du dauphin, s’y réunirent à la voiture principale. Elles étaient en cabriolet. Monsieur et Madame partirent du Luxembourg en prenant une autre route. Ils furent, ainsi que le roi, reconnus par le maître de la dernière poste avant de quitter la France ; mais cet homme, se dévouant à la fortune du prince, sortit lui-même du territoire français, et les conduisit en postillon.