Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/347

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moment favorable pour manifester hautement son retour et sa bienveillance ; que la comtesse de Lamotte serait l’intermédiaire de cette correspondance, dont les suites et les effets devaient nécessairement placer le cardinal au sommet de la faveur et du crédit.....

» Madame de Lamotte, après avoir augmenté la confiance du cardinal avec tout l’art de la séduction et par tous les moyens de l’intrigue, lui dit un jour : « Je suis autorisée par la reine à vous demander par écrit la justification des torts qu’on vous impute. » Cette autorisation, imaginée par la comtesse de Lamotte et crue par le cardinal, fut pour ce prince l’aurore d’un beau jour ; bientôt son apologie, écrite par lui-même et revêtue de tous les caractères propres à détruire les fâcheuses impressions qui le tourmentaient, fut confiée à madame de Lamotte. Elle rapporta, quelques jours après, une réponse sur petit format de papier doré sur tranche, où Marie-Antoinette, dont un habile faussaire avait tâché d’imiter l’écriture, disait : « J’ai lu votre lettre ; je suis charmée de ne plus vous trouver coupable : je ne puis encore vous accorder l’audience que vous désirez. Quand les circonstances le permettront, je vous en ferai prévenir. Soyez discret. » Ce peu de mots causa au cardinal un ravissement de satisfaction qu’il serait difficile d’exprimer. Madame de Lamotte fut dès-lors pour lui un ange tutélaire qui aplanissait les routes du bonheur. Elle eût pu, dès ce moment, obtenir de lui tout ce qu’elle aurait désiré. »

Bientôt aussi, encouragée par ce succès, supposa-t-elle une correspondance que la reine était censée entretenir avec le cardinal. Les demandes d’argent que, sous différens prétextes, la reine, dans ces fausses lettres, adressait au grand-aumônier, procurèrent successivement à madame de Lamotte jusqu’à 120,000 livres ; et rien ne put encore dessiller les yeux de l’homme immoral et crédule qu’on trompait à l’aide de semblables moyens....

« Un fâcheux hasard contribua dans le même temps à porter