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Lamotte lui dit que c’était le valet de chambre de confiance de la reine à Trianon. Il en portait le costume et en avait la tournure. Parmi ses différens moyens de séduction, madame de Lamotte sut trouver celui de faire croire qu’on lui donnait à Trianon des rendez-vous secrets où la reine lui prodiguait les marques de la plus intime familiarité : plusieurs fois elle prévint le cardinal du jour où elle s’y rendrait, et de l’heure où elle en sortirait. Ce prince, qui aimait à repaître ses pensées de tout ce qui pouvait alimenter sa persuasion, s’était mis plusieurs fois à portée d’observer ces entrées et ces sorties. Une nuit qu’elle savait que le grand-aumônier attendait le moment où elle se retirait, elle se fit reconduire jusqu’à quelque distance par Villette, principal agent de ses complots, qui eut ensuite l’air de rentrer ; il faisait clair de lune. Le prince, sous un déguisement, rejoignit madame de Lamotte comme il avait été convenu, demanda le nom de ce personnage ; elle lui dit que c’était le valet de chambre de confiance de la reine à Trianon. À cette époque, le collier qu’on avait convoité n’était encore ni acheté ni livré ; mais cette prévoyante magicienne plaçait ainsi, de distance en distance, des pierres d’attente pour élever et consolider l’édifice de sa magie. Ce prétendu valet de chambre était un nommé Villette, de Bar-sur-Aube, l’ami de madame de Lamotte, le camarade de son mari. Cette femme l’avait initié dans ses projets d’iniquités ; il y concourait et devait avoir part aux fruits qui en devaient résulter. C’était lui qui avait le pernicieux talent de contrefaire l’écriture de l’auguste princesse ; il était l’écrivain des lettres que madame de Lamotte fabriquait sous le nom de la reine ; c’était lui qui avait écrit l’autorisation signée Marie-Antoinette de France, pour l’acquisition du collier.

» Le cardinal ayant bien examiné les traits de l’homme à qui on avait remis la cassette du collier, et ayant cru reconnaître ceux du prétendu valet de chambre de Trianon, qui avait une nuit reconduit madame de Lamotte, ne douta plus que ce collier ne fût parvenu à sa destination.