Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/354

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» C’est ainsi que l’esprit de séduction arrivait à ses fins ; cet esprit avait tellement fait de progrès sur celui du cardinal, que, depuis la remise du collier, Son Éminence pressait sans cesse les joailliers de la reine d’aller la trouver pour qu’ils pussent se tranquilliser sur l’acquisition qu’il avait faite pour elle. Cette particularité, dont la vérité a été prouvée au procès par l’aveu des sieurs Bœhmer et Bassange, lors de la confrontation, ne doit laisser aucun doute sur la bonne foi du cardinal, et sur l’intime persuasion où il était qu’il n’avait agi que par les ordres de la reine. Comment taire ici un fait que j’aurais voulu pouvoir omettre ? Mais sa vérité est trop essentiellement liée avec les suites de cette malheureuse affaire, pour pouvoir le passer sous silence. Les joailliers, qui avaient souvent occasion de voir la reine, pressés d’ailleurs par le cardinal, ne lui laissèrent point ignorer la négociation et l’acquisition du collier. Malgré l’écrit signé Marie-Antoinette de France, qu’on leur avait montré, malgré la solvabilité de l’acquéreur qui avait donné son billet, il était de leur grand intérêt de s’assurer si ce collier était pour Sa Majesté, et de ne pas hasarder, sans cette certitude, un gage d’une valeur si considérable[1]. Les sieurs Bœhmer et Bassange ne sont pas convenus de cette particularité du procès ; mais ils en ont fait l’aveu secret à une personne qui ne l’a révélée qu’avec l’assurance de n’être ni citée ni compromise. Le cardinal, dans ses défenses, paraît n’en avoir jamais douté[2]. Bassange se trouvant à Bâle en 1797, et

  1. Rapprochez ce passage des détails que contient le chapitre XII des Mémoires de madame Campan.
    (Note de l’édit.)
  2. On voit, par les Mémoires de madame Campan, de quelle manière obscure, énigmatique, inintelligible le joaillier Bœhmer s’expliqua la première fois sur l’acquisition de ce collier, et quels furent la surprise, l’indignation et le courroux de la reine, lorsqu’elle put comprendre enfin dans quelle odieuse intrigue son nom se trouvait compromis. L’aveu secret fait, dit-on, à une personne qui ne l’a révélé qu’avec l’assu-