Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/361

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par la messagère ordinaire, exprimait les regrets sur les obstacles qui n’avaient pas permis un plus long entretien.

» Quel que soit le prestige qui ait constamment aveuglé le cardinal, le lecteur de sang-froid ne concevra jamais comment un prince, doué de beaucoup d’esprit et d’intelligence, n’ait pas eu, pendant plus d’une année qu’a duré ce système de séduction, le moindre soupçon sur les piéges qu’on lui tendait ; et, s’il lui en est survenu, comment n’a-t-il pas mis tout en œuvre pour éclairer les pas et la conduite de sa conductrice ? La reine, continuant à montrer au cardinal le plus grand éloignement, comment le prince pouvait-il allier cette manière d’être avec les sentimens qui se trouvaient renfermés dans les petites lettres qu’il recevait, où la protection la moins équivoque et l’intérêt de la plus grande bonté étaient exprimés ? Ce contraste inconcevable devait au moins être pour lui le crépuscule du jour qui pouvait éclairer la ruse infernale dont il était la victime. Le cardinal est convenu qu’entraîné par le désir sans frein de rentrer dans les bonnes grâces de la reine, il s’était toujours porté avec impétuosité vers le but qui pouvait l’y conduire, sans considérer ni mesurer l’espace qu’on lui faisait parcourir pour y arriver. Quoi qu’il en soit, le rendez-vous du bosquet et la petite lettre du lendemain avaient donné une nouvelle activité au zèle qui le dévorait pour les intérêts et la tranquillité de la reine, qu’il croyait embarrassée au sujet du premier paiement du collier. Le retour du trésorier de Sainte-James hâta, sans que ce prince s’en doutât, le dénoûment de l’intrigue qui allait le précipiter dans un abîme de désagrémens et d’humiliations. Le cardinal, ayant rencontré ce financier chez Cagliostro, s’empressa de lui donner communication des nouveaux ordres qu’il croyait avoir reçus. »

Il serait inutile de prolonger cet extrait déjà fort étendu. Les dernières scènes et le dénoûment du drame sont connus ; mais j’avais à remplir l’engagement pris, page 2, de faire connaître les principaux acteurs dont madame Campan ne parle pas. Je dois pourtant, avant de terminer, en indiquer un au-