Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/362

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quel le cardinal, toujours dupe de son erreur, dut enfin la révélation des moyens qu’on avait mis en usage pour fasciner ses yeux comme on avait trompé son esprit.

« Un abbé de Juncker, homme d’esprit et assez répandu, était venu, dit l’abbé Georgel, m’offrir ses bons offices ; il m’inspira de la confiance, parce qu’il se montrait passionné pour les intérêts et la gloire de M. le cardinal. Ce fut lui qui vint me donner les premières notions à l’aide desquelles l’infernale intrigue de madame de Lamotte pouvait être démasquée. Un religieux minime, nommé le P. Loth, était venu lui dire que, pressé par sa conscience et par la reconnaissance qu’il devait aux bontés de M. le grand-aumônier, il voulait me faire les révélations les plus importantes ; qu’ayant vécu dans la société intime de madame de Lamotte, il ne pouvait taire plus long-temps ce qu’il y avait découvert. Ce religieux était procureur des minimes de la Place-Royale ; la maison de madame de Lamotte en était voisine. Cette femme sut lui inspirer de la commisération dans ses momens de besoin et de détresse. Il lui donna souvent des secours : les bontés de ce religieux l’avaient engagée par suite à l’initier dans les secrets de sa fortune qu’elle attribuait à la reine et à M. le cardinal. Admis bientôt dans la plus intime familiarité, le P. Loth vit chez madame de Lamotte des choses qui éveillèrent ses soupçons. Des demi-mots échappés à la vanité et à l’indiscrétion ; l’assurance d’un cadeau considérable de la part des joailliers de la cour, parce qu’elle espérait faire acheter leur riche collier ; la montre de superbes diamans qu’elle disait tenir de Marie-Antoinette ; la communication de petites lettres qu’elle assurait être de la reine au cardinal, et du cardinal à la reine ; les comparaisons que le P. Loth avait été à portée de faire de l’écriture de ces petites lettres avec d’autres écrits d’un M. de Villette, ami de madame de Lamotte, qui s’enfermait souvent avec elle et son mari pour écrire ; les complimens qu’il avait entendu faire par la dame de Lamotte à une demoiselle d’Oliva, grande et belle personne, sur le succès d’un rôle qu’elle avait joué dans les jardins de