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Versailles ; les perplexités qui depuis avaient répandu la confusion et l’alarme dans la maison de l’intrigante, les premiers jours du mois d’août ; l’aveu fait devant lui que Bœhmer et Bassange allaient perdre le cardinal ; la fuite précipitée de Villette, de M. et de madame de Lamotte à cette époque : voilà ce que le P. Loth vint me confier un soir entre onze heures et minuit, après s’être déguisé chez l’abbé de Juncker, pour qu’on ne pût le suspecter, en cas que sa déposition en justice fût nécessaire. Ce religieux, voulant avoir dans son ordre le titre de prédicateur du roi, avait désiré prêcher le sermon de la Pentecôte devant Sa Majesté. M. le grand-aumônier me l’avait adressé pour examiner son discours et son débit. J’en avais été mécontent, et j’opinai pour qu’il ne prêchât pas ; mais ce que j’ignorais, c’est que madame de Lamotte, qui le protégeait, désirait qu’on lui accordât cette grâce, et que le cardinal, cédant aux instances de cette protectrice, avait procuré au P. Loth un sermon bien écrit, qu’il débita passablement.

» Entre les particularités dont je viens de donner les détails, le P. Loth, dans les trois heures d’entretien que j’eus avec lui, me donna des renseignemens bien essentiels sur la personne du sieur de Villette. Il me remit des fragmens de l’écriture de ce confident de madame de Lamotte, qu’il m’assura ressembler beaucoup à celle des petites lettres qu’on lui avait dit être de la reine ; il m’assura qu’il avait surpris madame de Lamotte, la veille de son évasion, brûlant celles qu’elle lui a dit être de M. le cardinal. Le minime, en me parlant de la demoiselle d’Oliva, se rappela l’époque où elle fut conduite à Versailles par M. de Lamotte dans un carrosse de remise ; enfin il ajouta, de manière à me faire soupçonner qu’il ne disait pas encore tout ce qu’il savait, qu’il pouvait avoir de fortes raisons de croire que la comtesse de Lamotte avait abusé de la bonne foi de M. le cardinal pour en obtenir des sommes considérables, et même pour s’approprier le collier. Cette importante révélation n’était pas encore une certitude ; mais c’était comme les premiers feux de l’aurore, qui, dissipant les nuages épais de la nuit, annoncent