Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/379

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avait d’avoir elle-même provoqué ce rappel, croyant que la faveur publique le rendait nécessaire ; mais aussi de l’envie d’empêcher le pouvoir et l’influence de M. le comte d’Artois, qui ne voulait pas M. Necker qu’il craignait presque autant qu’il me craignait. »

» M. l’archevêque de Sens ajoute :

« Le lundi, cette réponse arriva. M. de Mercy vint à neuf heures et demie chez moi me dire que M. Necker consentait à accepter sans condition, et demandait à voir le lendemain la reine à qui il s’en rapporterait entièrement… C’est tout ce qu’il me fallait pour la gloire du roi, avec lequel je ne voulais pas que M. Necker fît des conditions, et je dis à M. de Mercy : Voilà qui est à merveille, et dès ce pas je vais l’annoncer au roi, et lui demander la permission de me retirer. M. de Mercy m’approuva et me confirma d’autant plus dans ma résolution, croyant, d’après ce qu’il me disait, que c’était le vœu de la reine ; car il ajouta, ce qui me fut offert bientôt après, qu’il fallait qu’on me fît cardinal, et qu’on me rappelât dans des temps plus heureux.

» Je montai donc chez le roi, et je lui dis que M. Necker acceptait, et qu’ainsi je pouvais ne lui être pas utile ; que peut-être ma présence contrarierait son nouveau ministre, et je lui demandai la permission de me retirer. Le roi me répondit avec un peu d’embarras : Voyez la reine, elle vous dira tout cela… Je passai donc chez la reine ; elle était à sa toilette ; je lui rappelai la même chose, et par ce qu’elle me dit, je compris, sans le savoir, qu’il y avait quelque autre chose que j’ignorais. Enfin, comme nous allions au même but, celui de ma retraite, nous nous entendions sans nous le déclarer. Elle m’offrit le chapeau et tout ce que je pouvais désirer, en disant qu’elle se séparait de moi avec regret, pleurant d’y être obligée, et me permettant de l’embrasser pour me témoigner sa douleur et son intérêt. J’acceptai donc le chapeau ; je demandai que l’abbé de Loménie fût mon coadjuteur, et la promesse de la première place d’une dame chez la reine