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pour ma nièce. Il fut convenu que le soir j’apporterais ma démission, et que le soir même M. de Montmorin écrirait à Rome pour le chapeau ; que M. l’archevêque de Lyon travaillerait pour la coadjutorerie, et que je recevrais ce même soir la promesse d’une place de dame. Je me retirai chez moi, content, plus heureux d’être retiré, que des grâces qui accompagnèrent ma retraite, et qui m’étaient personnelles : car j’avoue que les autres me touchaient infiniment, et faisaient beaucoup pour mon bonheur.

» Quand je fus rentré, j’appris que la reine avait écrit à l’abbé de Vermond pour me dire de demander ma retraite, et alors je compris ce que je n’avais pas deviné. Elle crut que je venais d’après sa lettre, tandis que je ne me présentais que de mon propre mouvement ; de sorte qu’on peut dire avec vérité que je me suis retiré… et que j’ai été éloigné. L’un ne serait pas plus faux que l’autre ; mais toujours est-il vrai que j’étais loin de demander de rester et d’en chercher les moyens.

» Le soir, tout s’accomplit comme il avait été convenu. Je reçus du roi et de la reine des marques de bonté et d’intérêt que n’éprouvait pas ordinairement un ministre disgracié. Il y a plus : le lendemain ils m’envoyèrent M. Necker. Deux jours après, je le vis encore. Ils me demandèrent le choix d’un ministre. Je leur en conseillai un (M. du Châtelet) qui le refusa, et je ne pus m’empêcher de leur dire : Il n’est pas commun de voir un ancien ministre être ainsi consulté. Ils me répondirent : C’est qu’il n’est pas commun d’en rencontrer un aussi digne de confiance. Je rappelle tout cela dans la plus grande exactitude, pour faire voir combien j’étais éloigné de vouloir rester au ministère, et combien, peut-être, il m’eût été possible de ne pas quitter si j’avais voulu. Mais, dès que le roi ne me désapprouvait pas, mes vœux étaient remplis ; le ministère était un moment de peine et non de satisfaction pour moi. Heureux toute ma vie, j’avais cessé de l’être depuis que j’étais à Versailles ! Depuis trois semaines le sommeil avait fui loin de moi. Je voulais le bien, je le vou-