Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/390

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pandaient à pleines mains parmi les hommes les plus abrutis, comme les plus capables de se livrer aux plus grands excès. Aussi les jours de Mesdames furent-ils menacés et dans le plus grand danger. Un scélérat, qui vomissait contre ces princesses les plus grossières injures, parla de faire descendre le fatal réverbère pour les y attacher.

» Cet argent, que répandirent ces agens cachés, n’était pas celui du duc d’Orléans : ses finances étaient épuisées alors ; c’était celui de l’Angleterre. Le parlement accordait au ministre tous les subsides qu’il demandait, et le dispensait de rendre compte. La destination et l’emploi de ces fonds ne peuvent être mis en problème aujourd’hui. »

Bientôt l’Assemblée reçut de la municipalité de Moret le procès-verbal suivant :

« Le 20 février 1791, des voitures, d’un train et d’une escorte qui annonçaient la magnificence, se présentent à Moret. Les officiers municipaux, qui avaient entendu parler du départ de Mesdames et des inquiétudes qu’il avait répandues dans Paris, arrêtent ces voitures et ne veulent les laisser passer que quand elles auront exhibé leurs passe-ports. Elles en montrent deux : l’un pour aller à Rome, du roi, et contre-signé Montmorin ; l’autre n’était précisément pas un passe-port, mais une déclaration de la municipalité de Paris, qui reconnaît n’avoir pas le droit de s’opposer à ce que ces citoyennes se promènent dans les parties du royaume qui leur paraissent le plus agréables.

» Les officiers municipaux de Moret, à la vue de ces deux passe-ports, entre lesquels ils croient apercevoir quelque contradiction, sont disposés à croire qu’avant d’y avoir aucun égard, il est de leur devoir de consulter l’Assemblée nationale et d’en attendre la réponse avec Mesdames ; mais tandis qu’ils balancent sur le parti qu’ils ont à prendre, des chasseurs du régiment de Lorraine accourent les armes à la main, et, par la violence, ils font ouvrir les portes à Mesdames qui continuent leur route. »