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» La lecture de ce procès-verbal est à peine achevée, que l’ex-directeur Rewbell manifeste une surprise extraordinaire. Comment concevoir que le ministre des affaires étrangères eût pu contre-signer un passe-port, lorsqu’il était bien instruit que leur départ avait été l’occasion de la demande d’un nouveau décret dont le comité de constitution s’occupait de rédiger le projet ? Comme tout était scandale dans ce siècle d’impiété, l’opinant dit qu’il était scandaleux que les chasseurs de Lorraine se fussent ainsi conduits. Si de telles violences, dit-il en terminant, sont permises ou restent impunies, c’est une illusion étrange de croire que nous avons une constitution : non, il n’y a pas de lois, et nous vivons sous l’empire du glaive.

» Il conclut au renvoi du procès-verbal de la municipalité de Moret aux comités de constitution et des recherches.

» La motion de Rewbell fut décrétée.

» Réduit à s’excuser, le ministre de la guerre déclara qu’il n’avait point donné d’ordre aux chasseurs de Lorraine, qui, au fond, n’étaient pour rien dans cette affaire. Le décret rendu sur la motion de Rewbell fut appuyé par le duc d’Aiguillon, et l’on apprit, par la lettre de M. de Ségur, que c’étaient les chasseurs de Hagueneau, et non ceux de Lorraine, qui avaient eu l’honneur d’escorter Mesdames à Fontainebleau et à Moret. Cette lettre, signée de M. de Ségur, fut insérée dans les journaux sur son invitation : ce militaire s’honorait d’avoir donné l’ordre et d’avoir été obéi. Dans sa lettre qui ne fut lue que dans la séance du 2 mars, M. de Ségur sut convaincre l’Assemblée de l’ignorance affectée des militaires qu’elle avait dans son sein. Les anciennes ordonnances ne sont point abrogées, disait le colonel des chasseurs de Hagueneau, et non pas celui de Lorraine ; l’officier qui commandait n’a fait que s’y conformer, et s’il y est entré en armes, c’est pour suivre l’usage où sont les troupes de rendre cet honneur aux villes.

» Cependant M. de Montmorin ne pouvait se dispenser de se justifier : il le fit avec une grande supériorité par cette lettre :

« M. le président, je viens d’apprendre que, sur la lecture