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du procès-verbal envoyé par la municipalité de Moret, quelques membres de l’Assemblée ont paru étonnés que j’eusse contre-signé le passe-port donné à Mesdames par le roi.

» Si ce fait a besoin d’être expliqué, je prie l’Assemblée de considérer que l’opinion du roi et de ses ministres est assez connue sur cela. Ce passe-port sera une permission de sortir du royaume quand une loi aura défendu d’en passer les limites ; mais cette loi n’a jamais existé. Jusqu’à ce moment, un passe-port ne pourra être regardé que comme une attestation de la qualité des personnes.

» Dans ce sens, il était impossible d’en refuser un à Mesdames ; il fallait, ou s’opposer à ce voyage, ou en prévenir les inconvéniens, au nombre desquels il était impossible de ne pas compter leur arrestation par une municipalité qui ne les aurait pas connues.

» Il existe d’anciennes lois contre les émigrations ; elles étaient tombées en désuétude, et les principes de la liberté, décrétés par l’Assemblée, les avaient entièrement abrogées. Refuser un passe-port à Mesdames, si cette pièce eût été regardée comme une véritable permission, aurait été non-seulement devancer, mais faire la loi. Accorder ce passe-port lorsque, sans donner aucun droit de plus, il pouvait prévenir des troubles, ne pouvait être regardé que comme un acte de prudence.

» Voilà, Monsieur, les motifs qui m’ont déterminé à contre-signer le passe-port de Mesdames : je vous prie de vouloir bien les communiquer à l’Assemblée. Je saisirai avec empressement toutes les occasions d’expliquer ma conduite, et je compterai toujours, avec la plus grande confiance, sur la justice de l’Assemblée. »

» Le sort de Mesdames dépendait du décret qu’allait rendre l’Assemblée nationale ; les deux partis étaient en mesure et bien préparés. L’abbé Maury, qui doit à un mérite réel la gloire de figurer à la tête de la catholicité, ambitionna l’honneur de porter le premier la parole. Il fit valoir les principes d’ordre