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avait fait briller les armes que lui donnaient son éloquence et son audace, pour traiter avec le parti qu’il voulait attaquer. Cet homme jouait à la révolution pour gagner une grande fortune. La reine me dit à cette époque qu’il demandait une ambassade, et c’était, si ma mémoire ne me trompe pas, celle de Constantinople. Il fut refusé avec le juste mépris qu’inspire le vice, et que la politique eût sans doute su déguiser, si elle eût pu prévoir l’avenir.

L’enthousiasme général pendant les commencemens de cette assemblée, les débats entre le tiers-état, la noblesse et même le clergé, alarmaient chaque jour davantage Leurs Majestés et les gens attachés à la cause de la monarchie ; mais cette époque de notre histoire est trop connue, et a déjà été écrite par des gens trop habiles, pour que je sorte des détails auxquels je dois me borner.

La reine se couchait très-tard, ou plutôt cette infortunée princesse commençait à ne plus goûter de repos. Vers la fin de mai, un soir qu’elle était assise au milieu de la chambre, elle racontait plusieurs choses remarquables qui avaient eu lieu pendant le cours de la journée ; quatre bougies étaient placées sur sa toilette ; la première s’éteignit d’elle-même, je la rallumai : bientôt la seconde, puis la troisième, s’éteignirent aussi ; alors la reine, me serrant la main avec un mouvement d’effroi, me dit : « Le malheur peut rendre superstitieuse ; si cette quatrième bougie s’éteint comme les autres,