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reine ; ce n’est pas lui qui a choisi ce parti, les débats ont été longs, le roi les a terminés en se levant, et en disant : Enfin, Messieurs, il faut se décider, dois-je partir ou rester ? Je suis prêt à l’un comme à l’autre. La majorité a été pour que le roi restât ; l’avenir nous fera voir si on a choisi le bon parti. » Je remis à la reine l’écrit qui n’était plus utile : elle me le lut ; il contenait ses ordres pour le départ ; je devais la suivre, tant pour mes fonctions auprès de sa personne, que pour servir d’institutrice à Madame. La reine déchira ce papier les larmes aux yeux en disant : « Lorsque je l’écrivis, j’espérais bien qu’il me serait utile, mais le sort en a ordonné autrement ; je crains bien que ce ne soit pour notre malheur à tous. »

Après le départ des troupes, on remercia le nouveau ministère ; M. Necker fut rappelé. On ne put douter que les soldats d’artillerie ne fussent corrompus. « Pourquoi ces canons ? criaient des troupes de femmes qui remplissaient les rues : voulez-vous tuer vos mères, vos femmes, vos enfans ? — Ne craignez rien, répondaient les soldats, ces canons seront plutôt braqués contre le palais du tyran que contre vous. »

Le comte d’Artois, le prince de Condé, avec leurs enfans, partirent en même temps que les troupes[1]. Le duc, la duchesse de Polignac, leur fille,

  1. On ne lira pas sans intérêt quelques détails qui honorent