Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/88

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et à haute voix. Le roi et la reine, leurs enfans et madame Élisabeth, se rendirent aux Tuileries. Rien n’était prêt pour les y recevoir. Depuis long-temps, tous les logemens étaient donnés à des gens de la cour ; ils en sortirent précipitamment le jour même, et laissèrent leurs meubles que la cour acheta. La comtesse de La Marck, sœur des maréchaux de Noailles et de Mouchy, occupait l’appartement qui fut donné à la reine. Monsieur et Madame se rendirent au Luxembourg.

La reine m’avait fait demander le matin du 6 octobre, à Versailles, pour me laisser, ainsi qu’à mon beau-père, le dépôt de ses plus précieux effets. Elle emporta seulement son coffre de diamans. Le comte de Gouvernet de La Tour-du-Pin, auquel on laissa provisoirement le gouvernement militaire de Versailles, vint donner à la garde nationale, qui s’était emparée des appartemens, l’ordre de nous laisser emporter tout ce que nous jugerions nécessaire pour le service de la reine.

J’avais vu Sa Majesté seule dans ses cabinets, un instant avant son départ pour Paris ; elle pouvait à peine parler ; des pleurs inondaient son visage, vers lequel tout le sang de son corps paraissait s’être porté ; elle me fit la grâce de m’embrasser, donna sa main à baiser à M. Campan[1], et nous dit :

  1. Qu’il me soit permis de rendre ici un hommage bien mérité à la mémoire de mon beau-père. Dans cette nuit même, il