Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/154

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œuvres qui sollicitaient alors l’attention publique le Producteur, organe des idées d’Auguste Comte. Sous des formes algébriques, qui constataient un dédain toujours honorable pour le succès, le fondateur de la religion dite positive rajeunissait le vieux dogme de la perfectibilité indéfinie en le faisant aboutir au gouvernement des physiciens et des industriels. M. Comte avait posé les fondements de cette civilisation chinoise sur une prétendue histoire du genre humain, qu’il faisait passer de l’ère primitive de la théologie durant laquelle les poètes furent prêtres et rois, à l’ère de l’abstraction intellectuelle qui transféra la souveraineté aux guerriers, aux législateurs et aux métaphysiciens, époque de haute culture artificielle qui dure encore, mais dont le discrédit visible des croyances et le peu d’autorité des institutions constatent, d’après M. Comte, que nous sommes à la veille de sortir. Originairement disciple de Saint-Simon, auquel il survécut longtemps, M. Comte n’avait rien emprunté aux idées mystiques de l’auteur du Nouveau christianisme. Il tendit constamment à résumer la science sociale dans un matérialisme pur, organisé suivant des lois dynamiques promulguées par lui-même, et qui trouvèrent leur expression définitive dans le Cours de philosophie positive dont la publication commença en 1830.

Quoique le positivisme fût appelé à prendre une trop sérieuse et trop redoutable importance dans les agitations révolutionnaires de l’avenir, la forme étrange sous laquelle cette doctrine affectait de se présenter la laissait alors sans écho comme sans péril, et per-