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espèces de tapassas ou tortures toutes plus rigoureuses les uoes que les autres ; chaque contemplatif choisit celle pour laquelle il se sent plus d’inclination. Le choix fait, l’immobilité devient complète et il attend de l’inépuisable charité les aliments qu’on s’empresse de lui apporter et de lui ingérer jusqu’au terme de sa carrière.

La description des miniatures indiennes qui retracent quelques-unes de ces pénitences fera mieux saisir en quoi elles peuvent consister.

1. La place où le pénitent nu a voulu s’asseoir pour toujours a d’abord demandé toute son attention. Pour être pure de toute souillure, il a eu soin de la couvrir d’une peau de tigre sur laquelle il s’est placé les jambes croisées, puis renversant la tête en arrière, il s’est mis à fixer le disque du soleil, les deux mains tordues sur la poitrine. Il regarde l’astre éclatant sans cligner les yeux, sans changer de posture. Cette contention prolongée échauffe extraordinairement la vue et cause d’abord de violents maux de tête’ ; on croit quelquefois apercevoir en l’air des étincelles de feu, d’autres fois il semble voir des globes enflammés et autres météores. Quand ces hallucinations sont arrivées i leur plus haut point, les facultés mentales se modifient, et le pénitent arrive alors à l’état d’anéantissement qu’il recherche. Afin de se garantir contre tout mouvement involontaire que dans les commencements pourrait causer la fatigue d’une immobilité constante, un bâton le soutient sous l’aisselle. La barbe et les cheveux s’accroissent et le couvrent ; les ongles, dans leur croissance sans limites, se courbent et entrent dans les chairs. Devant lui sont posés un chamara ou éventail de plumes de paon pour chasser les insectes dont les piqûres le dévorent ; une calebasse contenant un peu d’eau pour rafraîchir ses sens altérés ; une pipe destinée à fumer des herbes stupéfiantes dont la vapeur qui abrutit doit hâter le moment désiré. Ce n’est point lui qui porte la main à ce mobilier si réduit, deux jeunes novices sont debout à ses cûtés, prêts à subvenir à ses besoins ; ils sonnent du sankha ou buccin pour célébrer cette perfection et attirer la charité.

2. Autre pénitent nu, assis les jambes croisées sur une peau de tigre, un bras élevé en l’air, le regard fixe, lin bâton sous l’aisselle le soutient immobile dans cette position qu’il ne devra plus jamais quitter. Sa barbe et ses cheveux le couvrent, ses ongles entrent dans ses chairs. Devant lui sont posés le chamara ou éventail de plumes de paon, une calebasse avec une écuelle et la pipe aux herbes stupéfiantes. 11 compte sur la charité des passants pour le nourrir et subvenir aux besoins de son corps. Cette charité ne lui fera pas défaut, car c’est la plus grande œuvre qu’on puisse faire.