Page:Cavallucci - Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1.pdf/157

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LES PLEURS ange ; 143 "A Kachemyr ou à Bagdad, vous aussiez cru entendre le chant d’une péri ; "Aux pieds du Carmel ou du Gelboé, les plaintes d’un "Dans les forêts d’Underwald ou de Glaris les soupirs d’une fée. "Alors tout a disparu pour vous, faim, fatigue et som- meil ; vous vous êtes arrêté la tête inclinée, la bouche entr’ou- verte, l’œeil fixé sur ce massif noir, duquel semblaient sortir ces souffles d’harmonie qui se mêlaient à l’air du soir et venaient à vous dans l’ombre ; et pendant que vous étiez là immobile et en extase, les sons se sont succédé ; vous avez pu les suivre, les analyser et bientôt désenchanté comme d’un premier amour, vous vous êtes dit, en piquant des deux votre cheval et en reprenant votre route : "-Ce n’est que la vibration d’une harpe dans laquelle passe le vent. "Cependant dédaigneux que vous fûtes alors, combien de fois, depuis, soit dans un bal, soit au théâtre, dans votre veille ou dans votre sommeil, combien de fois, dites, quoique votre esprit fût alors tout entier attaché aux choses qui en étaient les plus éloignées, combien de fois n’avez-vous pas tressailli tout à coup, croyant entendre encore ces sons éoliens qui vous avaient frappé au soir sur une route d’Edimbourg ou de Dum- fries, et dont votre âme avait gardé le souvenir ! "Ce n’était cependant que la vibration d’une harpe dans laquelle passait le vent. "Mais cette harpe, c’était celle d’Ossian, ce vent, c’était le vent d’Ecosse. "Eh bien, moi aussi, comme ce voyageur, j’ai ma harpe éolienne ; j’ai des sons qui, quelque part que je sois, quelque pensée qui préoccupe mon esprit, quelque amour qui me tienne le cœur, retentissent tout à coup au fond de mon âme ; j’ai une voix qui me parle dans le tumulte ou dans le silence, dans le jour ou dans l’ombre, et me fait frissonner, comme lorsque les cheveux d’une femme que j’aime me passent sur le visage. Harpe inconnue, sons mystérieux, voix divine !…