Page:Cavallucci - Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1.pdf/220

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206 PAUVRES FLEURS Boitel du 26 novembre 1840). Et elle écrivait un jour à son amie Pauline : " Tu sais que je ne suis guère plus savante que les arbres qui se penchent et se relèvent., , 2. Toi dont l’âme à la fois lumineuse et sensible (AU MÉDECIN DE MA MÈRE, M. Taranget de Douai). Taranget, né à Lille le 2 août 1752, était docteur en méde- cine. En 1809, il fut nommé recteur de l’Académie de Douai, professeur et doyen de la faculté des Lettres. Il quitta le rectorat le 4 octobre 1827 et mourut à Douai, le 26 août 1837. Peu après avoir composé la pièce dont il est ici question, Marceline écrivait à Taranget : "Monsieur, c’est dans l’un des jours les plus tristes de ma vie, l’anniversaire des pertes les plus sensibles à l’âme et qui la secouent de tout ce que le souvenir a de puissance, qu’il s’élève en moi un besoin impé- rieux de porter ma mélancolie aux lieux où je suis née, où je n’ai plus de père pour m’entendre et me plaindre, où de tout ce que j’ai vu, aimé, honoré dans mon humble enfance, Monsieur Taranget seul existe encore pour l’honneur du cher pays où mon cœur m’attire incessamment, sans que mon faible corps puisse jamais lui obéir. Il ne me semble pas possible au moins que vous n’accueilliez pas d’un de vos sourires, encore présents à ma mémoire, le salut lointain du dernier enfant d’un homme qui vous a tant aimé, tant béni ! Partout où je lis le nom de Monsieur Taranget avec les distinctions qui l’accompagnent toujours, je crois entendre parler mon père qui n’a jamais prononcé ce nom sans une émotion étrange, et je fonds en larmes de tout ce qu’il rappelle à mon âme isolée. Vous avez sauvé la vie deux fois à ma mère, Monsieur, et votre nom errait aussi dans ses derniers adieux au monde et à moi, quand elle me laissa orpheline aux Antilles où elle m’avait portée… Je ne sais pourquoi ce rappel est aujourd’hui plus frappant ; on dirait que sa voix chère et triste me sonne votre nom dans l’oreille. Elle avait alors rêvé de vous, Monsieur Taranget, et elle m’a dit en s’éveillant : "Monsieur Taranget vient de me dire que je n’en reviendrai pas., , C’était vrai.