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Page:Cavallucci - Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1.pdf/308

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294 BOUQUETS ET PRIÈRES Ivoir la porte maternelle se rouvrir devant lui : sans ses larmes amères y serait-il jamais revenu ? "Courez donc, ma plume, courez : vous savez bien qui l’ordonne. "Je vous livre mes heures afin qu’elles laissent, par vous, une faible trace de leur passage dans cette vie. Quan : elles traverseront la foule, sur les ailes de mon affliction, si l’on . crie : "Elles n’ont pas d’haleine, , , dites que le grillon caché dans les blés forme une musique faible aussi, mais qui n’est pas sans grâce, au milieu du tumulte pompeux des merveilles de la nature ; répondez pour moi ce que Dieu a répondu pour le Grillon : "Laissez chanter mon grillon ; c’est moi qui l’ai mis où il chante. Ne lui contestez pas son imperceptible part de l’im- mense moisson que mon soleil jaunit et fait mûrir pour tous. "Courez donc, ma plume, courez : vous savez bien qui l’ordonne, "L’austère inconstant, le Sort, qui m’a dit:Assez, quand je lui demandais ma part des biens de l’existence; le Sort, qui m’a dit : Non ! quand je levais mes yeux pleins de prières pour obtenir encore un de ses sourires, a laissé pourtant tom- ber dans ma consternation, un bien dont l’apparence était de peu de valeur, mais qui deviendrait une palme de salut, si quelque fil de la Vierge l’enveloppait de divine pudeur : c’est vous, ma plume, détachée du vol d’un pauvre oiseau comme mon âme, peut-être ; c’est vous, que personne ne m’apprit à conduire ; c’est vous, que sans savoir tailler encore, j’ai fait errer sous ma pensée avec tant d’hésitation et de décourage- ment ; c’est vous, tant de fois échappée à mes doigts ignorants, vous, qui par degrés plus rapides, trouvez parfois, à ma pro- pre surprise, quelques paroles moins indignes des maîtres, qui vous ont d’abord regardée en pitié. "Ainsi, courez, ma plume, courez : vous savez bien qui vous l’ordonne, "Vous ne blesserez pas ; vous ne bégayerez pas un mot de haine, quand ce serait pour repousser l’injure : il vaudrait mieux tomber en poussière, afin que, quand je serai poussière