Page:Cavallucci - Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1.pdf/332

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318 BOUQUETS ET PRIÈRES fait asseoir, qu’il est aimable à vous d’être venu voir une pauvre hirondelle sous sa tuile ! — Chère dame, répondit Brizeux, passant par Lyon et sachant que vous y demeurez, nous n’avons eu garde d’oublier l’hirondelle. L’hirondelle ne porte-t-elle pas toujours bonheur aux voyageurs ? — Et où allez-vous donc, Messieurs ? — En Italie. -En Italie ! Ah ! que vous êtes heureux, vous allez au pays du soleil et des muses. Je voudrais vous y suivre, mais il faudrait quitter sa couvée, sa chère couvée, dit-elle en nous montrant ses enfants, et cela n’est pas possible ! Les bons petits. cœurs valent plus encore pour moi que le plus beau soleil et les plus admirables peintures. Et puis, qui prendrait soin de leur père ? — M. Valmore, est-il ici ? ajouta Brizeux. -Non, il est sorti pour l’instant, mais il sera désolé de ne pas s’être trouvé chez lui. Il est allé au théâtre pour réorganiser des représentations et ensuite ramener du collège mon petit garçon ; car tout mon bien est avec moi, et dans ces mauvais temps on est si heureux d’être réunis ! -Vous avez dû avoir de grandes terreurs, Madame ? répli- quai-je. — Ah ! Monsieur, ne m’en parlez pas ; il ne nous est rien arrivé de fâcheux, mais cela a été horrible. Il y a eu des faits d’acharnement inouïs. On a vu des vieillards, des enfants et des femmes massacrés sans pitié. Un dragon flottait dans le Rhône, tenant un homme à chaque main ; les ouvriers avaient inscrit sur leurs drapeaux : "Vivre en travaillant ou mourir en combattant !, , Et, en effet, ils se sont battus comme des lions. Ils ont été victorieux de la garde nationale et de l’armée, les maîtres de la ville ; mais après, sans plan, sans direction et sans doctrine, ils ont rappelé d’eux-mêmes les autorités et sont rentrés comme des moutons dans leurs ateliers. — Et tant de sang, tant de ruines, pour des questions de salaires qu’on pouvait débattre pacifiquement, c’est abominable, repris-je.