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Je craindrais de vous accabler de ma seule présence. Tout s’en va pour moi dans l’existence. Depuis que je ne t’ai vu, j’ai perdu une espérance encore. Je voulais vivre de la vie d’un autre et me faire un avenir de l’avenir d’un être charmant : la destinée ne l’a pas voulu. Tu penses bien qu’il ne s’agissait pas d’une femme, mais d’un enfant. Je le crois mien ; je voulais m’emparer de son sort. La mère est ingrate et jalouse ; elle l’emmène à cent lieues de moi ! Je ne sais plus que croire et demander à Dieu, en me couchant, si ce n’est de ne m’éveiller pas demain… »

Ainsi Latouche n’est pas seulement le « jeune homme » dont nous cherchions le nom ; il a été l’amant de Marceline après son mariage.

Et maintenant relisons quelques lignes d’une lettre que Marceline écrivait à son mari, huit mois avant la naissance d’Ondine : « Ah ! mon cher Prosper, que je m’ennuie sans toi ! En te quittant (Valmore venait de partir pour Lyon), je suis rentrée tristement à la maison. Qu’elle est grande et silencieuse ! Je me suis couchée, comme un petit loup, dans notre lit : c’était comme un désert. J’ai pensé à toi, à ta fatigue et j’étais aussi fatiguée… Cher Prosper, pense à moi. Tu m’occupes, je crois, plus que si j’étais à ton côté ! Je n’ai pu résister au besoin de t’écrire quelques lignes pour tromper mon impatience. En as-tu un peu de me revoir ? Il me semble que oui, si je juge ton cœur par le mien : la certitude de la tendresse est le seul bien que j’aie au milieu de toutes nos petites infortunes. Je t’embrasse de cœur et d’âme, et te prie de m’attendre toi-même : tu feras faire du feu. Adieu, mon ami, mon cher ami, au revoir ! Encore un peu, j’étais à la diligence hier pour tâcher de partir le 20, mais la bonne Jeuclié m’a empêchée. Ah ! c’est que je m’ennuie. Aime ta Line et ton amie. »

Comprenne qui pourra ! Mais c’est à cause de cette lettre et de mille autres qu’on a eu tant de peine à se laisser convaincre par M. Ségu !

Latouche ne veut pas accepter sa défaite. Il correspond