Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/16

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C’est ce que je vous donne pour article de foi. — Quant à cela, il n’y a rien à craindre, répondit le sacristain. Je me souviens mieux du compte de l’argent que de sonner les cloches, et je ne me tromperai pas d’un atome. »

Ce disant, il tira de sa poche un mouchoir orné de grosse dentelle, pour essuyer la sueur qui lui coulait du visage comme d’un alambic. À peine Cortado eut-il vu ce mouchoir qu’il le marqua pour sien. Quand le sacristain s’en fut allé, Cortado le suivit, l’atteignit sur les marches de l’église, où il l’appela et le prit à part ; là, il se mit à lui dire tant de balivernes, tant de gausseries, à propos du vol de la bourse, lui donnant de bonnes espérances, sans jamais finir un propos commencé, que le pauvre sacristain l’écoutait bouche ouverte ; et comme il ne comprenait pas ce que l’autre lui disait, il le faisait recommencer deux ou trois fois la même chose. Cortado, cependant, le regardait fixement au visage, et n’ôtait pas les yeux de ses yeux. Le sacristain le regardait de la même manière, attentif et, comme on dit, pendu à ses paroles. Cet état d’extase permit à Cortado de finir sa tâche ; il lui enleva subtilement le mouchoir de la poche, et, prenant congé du pauvre diable, il lui dit de faire tout son possible pour venir le retrouver le tantôt au même endroit, parce qu’il soupçonnait qu’un certain garçon du même état et de la même taille que lui, un peu voleur de son métier, avait pris la bourse, et qu’il s’obligeait à tirer la chose au clair, en quelques ou en plusieurs jours.

Le sacristain, tant soit peu consolé par cette assurance, quitta Cortado, lequel vint retrouver Rincon,