Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t5.djvu/251

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DE CHAiMFORT. '2q5

instans. «Je m'approchai tour à tour de la tapisse- rie, des meubles , des cristaux , des lustres ; tout était faux. L'or , l'argent n'en avaient que l'appa- rence ; les broderies n'étaient que de vaines dé- coupures; les cristaux, les diamans n'étaient que des verres à facettes ; et la perspective du fond de l'appartement , une perspective trompeuse , telle qu'on en voit sur nos théâtres ; les coussins , les lits, les sophas sonl formés de roses amoncelées à la hâte , et dont on a oublié d'arracher les épines. «Ehl monsieur, dis-je à mon conducteur, que faites-vous ici? — Je n'y suis, me répondit-il, que par hasard ; j'y remplis la fonction d'un ami ab- sent que rien ne peut détromper , et qui a vieilli auprès de Faveur dans un service assez ingrat. Je vous parlerai d'elle avec une liberté qu'il ne me permet pas , et qui a pensé me brouiller avec lui. Tout ce que \ ous voyez ici de faux et de frivole , est l'emblème de son caractère et de son esprit. Coquette et inconstante , elle vous recherche et vous rebute l'instant d'après. Importune, c'est elle qui pourtant fuit la première. Dans son âme comme dans son palais , tout est joué , tout est trompeur , sa beauté , sa bonté même ; mais elle a des grâces dont l'attrait est presque invincible.

On ne sait quel enchantement Vers elle en secret vous attire, lit remplit l'âme en un moment D'un crédule ravissement ,

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