Page:Champsaur - Homo-Deus, Ferenczi, 1924.djvu/10

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bougea ! Le buste, d’abord, se souleva ; l’homme paraissait assis par terre avec les bras ballants, la tête penchée sur la poitrine, un peu de côté, dans une attitude de sommeil. Mais, presque aussitôt le corps se dressa dans un effort suprême, et la tête, toujours penchée, branla de droite et de gauche, comme celle d’un pantin. Un moment, la macabre vision se tint debout, prostrée, pareille à une loque lamentable ; elle fit un pas, l’agent entendit un soupir, et la sinistre dépouille s’écroula sur le banc !

— Je rêve, pas possible !... songea le flic, affolé.

Mais, s’étant frotté les yeux, ayant constaté qu’il ne dormait pas, que sa sensibilité était réelle, son ouïe toujours fine — car il entendait le ronflement du moteur, que le mécanicien de l’auto faisait tourner à vide — il dut convenir de cette effarante certitude : le cadavre, sans doute mal à l’aise étendu sur le trottoir, avait jugé bon de retourner s’asseoir sur le banc. « Alors, ce cadavre était vivant ?... »

Une émotion formidable fit battre le cœur de l’agent. Mais, tout de suite, il eut cette idée généreuse : porter secours à l’inconnu ! — Horreur ! les yeux du mort gardaient leur étonnante fixité, où restait pétrifié le reflet d’une atroce épouvante ! Donc, le mort était bien mort ! et, puisque l’agent ne dormait pas et qu’il n’était pas fou, il y avait là-dessous un sortilège effroyable. Les cheveux du sergot se dressèrent sur sa tête.

Triomphant de sa peur, exaspéré d’ailleurs par le sourire ironique de l’Hindou, toujours au volant de l’automobile, le sentiment du devoir exaltant son courage jusqu’au sacrifice le plus douloureux, il résolut d’avoir le dernier mot. Et puisque ce cadavre ressuscitait dans une farce macabre, il décida, au premier geste qu’il ferait, de lui passer les menottes. Il les sortit de la poche de sa tunique.

Le mort, à nouveau, s’était dressé. Comme un pantin lamentable, flasque, sans nerfs, il était debout sur le trottoir, plus horrible avec sa tête pendante et branlante, ses