Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/258

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que d’avoir en face du monde que nous connaissons la même attitude, le même sentiment de liberté, déraison, qu’ils avaient en face de leur monde. Imiter servilement, ponctuellement leurs idées, comme on accepterait un héritage inerte, mort, avoir en face du monde présent les idées qu’ils avaient en face du monde passé, recommencer nos anciens, qui étaient justement des révolutionnaires parce qu’ils ne recommençaient pas leurs anciens, calquer leurs idées, ce serait n’imiter ni leur conduite, ni leur méthode, ni leur action, ni leur vie. Ce serait n’imiter pas l’usage qu’ils ont fait de la raison.

Imiter bien les anciens révolutionnaires, c’est nous placer librement en face du monde comme ils se plaçaient librement en face du monde. Ce n’est pas nous placer servilement en face de leur monde. C’est user de la raison comme ils en usaient, sans aucun artifice d’école ni retard factice. Pas plus que nous ne devons attacher à la révolution sociale et imposer aux humanités futures nos systèmes, nous ne devons pas plus leur imposer des systèmes hérités, fussent-ils hérités de révolutionnaires. Nous ne devons pas leur imposer, leur communiquer en passant par nous des systèmes anciens. Nous ne devons pas plus transmettre des autorités que nous ne devons en instituer. L’opération serait la même. Que le système imposé plus tard au nom de la révolution soit né parmi nous ou que nous l’ayons nous-mêmes reçu de nos aînés, le résultat serait le même. Ce serait toujours marquer l’humanité au lieu de la libérer. Ce serait toujours marchander et fausser l’affranchissement. Ce serait toujours opprimer