Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/108

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plus que je me connais en hommes et en femmes, que je ne manque pas d’une certaine vivacité de coup d’œil. J’ai vu et j’ai été vaincu ; je n’ai pu m’empêcher de le dire à Mme Corneuil elle-même. Je ne te parle pas de sa miraculeuse beauté, des grâces de son esprit, de son talent littéraire, qui est de premier ordre, de la noblesse de ses sentiments. Un mot suffira. Tu sais quelle était mon horreur pour le mariage ; j’ai fait campagne et j’ai gardé du service un déplaisant souvenir. Eh bien, pour la première fois… tu crois rêver, ma chère, et pourtant cela n’est que trop vrai. Oui, si Horace n’existait pas, si Mme Corneuil avait le cœur libre, si mes soixante-cinq ans ne lui faisaient pas peur, oui, je franchirais le pas sans hésiter, et je croirais assurer le bonheur des quelques années que j’ai encore à vivre. Tu te moques de moi, tu as mille fois raison. Heureusement, Horace existe ; au surplus, rassure-toi, je n’aurais aucune chance d’être agréé. Laissons là ma petite utopie et parlons de ton fils. — Cela étant, diras-tu, qu’il épouse ! — Non, ma chère Mathilde, je ne crois pas que cette union fût heureuse. Il y a entre ces deux êtres un désaccord absolu d’humeurs, de goûts, de caractères ; il m’est impossible d’admettre qu’ils soient faits l’un pour l’autre. Je m’en suis expliqué franchement