Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec Horace ; mais parlez donc raison à un amoureux. Autant vaut jouer un air de flûte à un poisson. Amoureux et poissons, j’en ai fait la fâcheuse expérience, sont les gens du monde les plus difficiles à persuader. Je répéterai pourtant mes tentatives ; je reviendrai à la charge dans un moment propice, et tu auras avant peu de mes nouvelles. Mais, soit dit sans reproche, je regrette amèrement d’être venu à Lausanne ; tu ne te doutes pas du triste service que tu m’as rendu en m’y envoyant, des journées orageuses et des nuits agitées qu’y passe ton vieil oncle, qui t’embrasse. »

Cinq minutes après avoir lu cette lettre, c’est-à-dire à dix heures du matin, Horace, transgressant toutes les lois du pays, accourait au chalet, où Mme Véretz le reçut. Il était hors de lui, et la première chose qu’il fit fut de partir d’un grand éclat de rire.

« Chut ! lui dit-elle vivement, en lui pinçant le bras. Oubliez-vous qu’on ne rit jamais ici le matin ? »

Horace jeta un baiser passionné dans la direction du sanctuaire, et il dit à Mme Véretz :

« Chère madame, allons-nous-en bien vite dans le fond du jardin, car il faut absolument que je rie. »