Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/172

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de le regarder, moi aussi, et chaque fois que je me tournais de son côté, je le retrouvais plongé dans son extase, immobile comme une statue, avec de grands yeux qui lui sortaient de la tête pour se promener autour de moi. Il avait l’air bien appliqué, je vous assure, bien recueilli ; il m’apprenait par cœur, comme un prêtre étudie son bréviaire. Enfin mon céléripède arrive, je monte dessus, je disparais dans la coulisse, où les trois auteurs, sans oublier le compositeur, m’embrassent à tour de rôle sur les deux joues. Pour moi, machinistes et pompiers, j’aurais voulu embrasser toute la terre ; j’étais ivre, folle de joie, d’autant plus que la grande Mathilde… Docteur, connaissez-vous la grande Mathilde ?

— Si peu que rien, lui dis-je.

— Elle a toujours été jalouse de moi. Eh bien ! dans ce moment, elle était, malgré son rouge, aussi jaune qu’un coing, elle avait les dents serrées, et si elle avait pu me donner de la griffe… Là, vrai, cela me fit plaisir ; quoique je sois bonne fille, je n’ai jamais pu la sentir. Désagréable en scène, insupportable au foyer, interrogez qui vous plaira, ils vous diront tous que c’est une méchante créature ; avec cela, point de talent, et trente ans bien sonnés, quoi qu’elle en dise. La preuve, c’est que…