Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/194

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savais par expérience qu’il avait le vin colère. J’y perdis mes peines, il avait juré de se griser, car il disait de temps à autre : — Vidons encore une bouteille, et je n’y penserai plus. — A quoi donc ? — A rien. — C’était sans doute à « ces misérables » qu’il ne voulait plus penser, et il les oublia tout à fait. Sa gaieté devenait bruyante, il ne déparlait pas, il débitait mille extravagances. Il finit par s’en prendre aux verres, aux assiettes ; il cassa tout, parce que, disait-il, personne n’était digne de manger dans une assiette où avait mangé Rose Perdrix, ni de boire dans un verre qu’avaient touché ses lèvres divines. C’est bien divines qu’il disait, et ce n’est pas moi qui le lui fais dire.

« Je m’amusai d’abord de ses folies, mais pas longtemps. J’aime la gaieté, je n’aime pas le bruit, je n’aime pas non plus qu’on dépense bêtement son argent, et vous pensez bien que la vaisselle brisée figura sur la carte. Ce que je déteste surtout, ce sont les disputes, et dans l’ivresse Edwards avait une chienne de tête qui n’entendait plus raison. Il se prit de querelle avec le garçon qui nous servait, avec l’aubergiste, avec les paysans, avec sa chaise, avec le vent, avec tout le monde. Je vis le moment où il nous attirerait une mauvaise affaire. Je m’emparai de sa canne, je le