Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/264

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pour le grand combat de la vie ! Il n’y a pas de principe plus sacré que le droit du plus fort, car dans ce monde il n’y a d’évident que la force, et la sélection est la loi de la société comme de la nature. »

A ces mots, il attacha un regard d’admiration complaisante sur ses vigoureux poignets, sur ses longs bras puissamment emmanchés, qui lui paraissaient de force à déraciner un chêne. En ce moment, on servit un plat d’alouettes rôties, qui étaient le gibier favori du petit Lestoc, et l’hôtesse le savait. M. Drommel en attira trois ou quatre sur son assiette ; il les avala en deux bouchées, faisant craquer et crier les os sous ses fortes dents. Il lui semblait que ces alouettes croyaient comme lui à la grande loi de la sélection, qu’elles s’applaudissaient d’avoir été prédestinées à réjouir l’estomac d’un grand homme, à s’incorporer dans sa glorieuse substance.

Le prince de Malaserra, qui le regardait faire, frémit de nouveau, et reprenant la parole :

« Ah ! vous me faites de la peine, mon cher ami, beaucoup de la peine ! Mais pensez donc à Malaserra ! C’est une si belle terre que Malaserra ! On y trouve tout ce qu’on veut, des vignes, des oliviers, des champs, des épis jaunes comme de l’or, des oranges grosses comme des