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SOUS L’ŒIL DU PHARE

De son côté, Jean Pèlerin est autrement impressionné. La féerie naturelle qu’il a sous les yeux évoque vivement à son esprit le jour, depuis longtemps oublié durant sa vie de travailleur, où il était venu y rêver « comme on rêve à vingt ans. » Déjà la veille à quelques pas de ce château, au parloir de l’institution où il a revu sa fillette que l’on prépare aux vraies jouissances du bien-vivre, le fantôme de son premier amour a voulu lui apparaître. Mais il le fuit comme l’on fait des fantômes. Et comme il y a vingt ans, il lui tarde aussi de fuir ces lieux qui se prêtent à leur apparition. Cependant, ce n’est pas avec le désespoir au cœur et les larmes aux yeux qu’il veut partir, cette fois. C’est avec horreur d’un sentiment d’orgueil trop prenant, dont son état de vie actuel et le sort si enviable de sa famille lui offrent la tentation. Il n’est pas venu se venger de son mauvais sort d’antan, mais jouir de la récompense providentielle de ses mérites. Émile Dupin qu’il met au courant des scrupules de son humilité l’admire et travestit