Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/258

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Le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils. (Jn. 5, 22) La même chose se prouve par ce qui suit : non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui aiment son avènement. (2Ti. 4, 8) L’avènement de qui ? Poursuivons : La grâce de Dieu a paru salutaire à tous les hommes, elle nous a appris que, renonçant à l’impiété et aux passions mondaines, nous devons vivre dans le siècle présent avec tempérance, justice et piété, attendant la béatitude que nous espérons, et l’avènement glorieux du grand Dieu, notre Sauveur Jésus-Christ. (Tit. 2, 11)
4. Notre lutte contre les hérétiques est terminée ; nous avons élevé des trophées et remporté une brillante victoire. Par tout ce qui a été dit, nous avons montré que le Fils honore et châtie, qu’à lui appartient tout jugement, qu’il couronne et récompense les plus saints, et que dans les paraboles il s’attribue ce double pouvoir. Il nous reste à répondre aux difficultés de nos frères et à montrer pourquoi il a dit : Ce n’est point à moi à vous le donner. Plusieurs sans doute se posent cette question. Pour résoudre le problème et dissiper toute inquiétude dans vos esprits, suivez-moi attentivement : le plus difficile me reste à traiter. Ce n’est pas la même chose de combattre ou d’enseigner, de terrasser un ennemi ou de relever un frère ; il faut beaucoup de zèle pour raffermir ceux qui chancellent, et rétablir la tranquillité dans, les esprits troublés. Que mes paroles ne vous étonnent point, si je dis que ce n’est ni au Fils, ni même au Père ; et je le proclame à haute voix, non, ce n’est ni au Fils ni au Père à régler les degrés de la gloire. Car si ce droit est au Fils, il est aussi au Père ; s’il est au Père, il est aussi au Fils ; voilà pourquoi le Seigneur ne dit pas simplement : Ce n’est pas à moi à le donner ; il dit : Ce n’est pas à moi à le donner, mais à ceux à qui mon Père l’a préparé. Il montre que ce n’est ni à lui, ni au Père, mais à d’autres. Que signifie donc ce texte ? Votre trouble augmente, votre doute grandit, votre anxiété redouble. Mais ne craignez rien. Je ne me retirerai pas que je ne vous aie donné la solution. Permettez-moi de reprendre d’un peu plus haut. Autrement je ne pourrais traiter assez clairement toute la question.
Que signifie donc ce texte ? Jésus allant à Jérusalem, la mère des fils de Zébédée, Jacques et Jean, s’approche avec ses enfants et dit : Faites que mes deux fils soient assis l’un â votre droite, l’autre à votre gauche. (Mat. 20, 20) D’après un autre évangéliste, ce sont les fils qui font cette demande à Jésus-Christ. II n’y a cependant aucune contradiction, mais il ne faut rien négliger, la mère ayant commencé, et frayé la voie, les fils firent la même demande, parlant sans savoir ce qu’ils disaient. Quoique apôtres, ils étaient très-imparfaits, comme les petits des oiseaux encore dans le nid et couverts à peine d’un léger duvet.
Il faut que vous le sachiez, avant la Passion ils étaient d’une profonde ignorance. Aussi Jésus-Christ les réprimandait-il souvent. Vous avez si peu d’intelligence ! Vous ne comprenez pas encore que je ne parlais pas du pain en disant : Gardez-vous du levain des pharisiens. (Mat. 16, 11) J’ai beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant. (Jn. 16, 12) non seulement ils ne pénétraient pas les mystères, mais souvent la crainte, la timidité leur faisait oublier ce qu’ils avaient appris. C’est ce que Jésus-Christ leur reproche : Aucun de vous ne me demande : où allez-vous ? Mais parce que je vous dis cela, la tristesse a rempli votre cœur. (Id. 5) Et ailleurs : Il vous rappellera et enseignera tout (Jn. 14, 26), dit-il en parlant du Saint-Esprit. Il ne dirait pas : Il vous rappellera, s’ils n’avaient oublié beaucoup de choses. Ceci n’est pas une simple conjecture ; saint Pierre, qui tantôt confesse courageusement, tantôt oublie tout, nous le prouve clairement. Il a dit : Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant (Mat. 16, 16), et pour cela il est appelé bienheureux ; un peu après il commet un péché tel qu’il est traité de satan : Retirez-vous de moi, satan ; vous m’êtes un sujet de scandale, parce que vous ne goûtez pas les choses de Dieu, mais celles des hommes. (Mat. 16, 23) Quoi de plus imparfait ? ne pas goûter les choses de Dieu, mais celles des hommes ? Jésus-Christ parlait de sa Passion et de sa Résurrection ; Pierre ne comprenant ni la profondeur de ses paroles, ni ses dogmes ineffables, ni le salut annoncé à toute la terre, lui dit à part : A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera pas. Voyez-vous que les apôtres ne connaissaient rien de certain au sujet de la Résurrection ? L’Évangéliste nous l’indique aussi : Ils ne savaient pas encore qu’il devait ressusciter d’entre les morts. (Jn. 20, 9)
S’ils ignoraient cette vérité, à plus forte raison