Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/259

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les autres mystères, par exemple ce qui regarde le royaume de Dieu, les prémices de notre nature, l’Ascension dans les cieux ; ils rampaient encore à terre, ils manquaient d’ailes pour prendre leur essor vers les cieux.
5. Ils étaient pénétrés de cette idée, que leur Maître régnerait bientôt à Jérusalem. Ils ne savaient rien de plus. Un autre évangéliste nous le déclare : Ils croyaient, dit-il, que sa royauté approchait, royauté purement humaine selon eux, et ils pensaient que Jésus-Christ allait à l’empire et non à la croix et à la mort. Après l’avoir entendu dire cent fois, ils ne pouvaient le comprendre : trop grossiers pour comprendre clairement ces sublimes vérités, ils supposaient que Jésus-Christ allait prendre possession de ce royaume temporel, qu’il régnerait à Jérusalem. Croyant le moment arrivé, les fils de Zébédée s’approchent de lui sur la route et lui adressent leur demande. Ils se séparent des autres disciples comme si déjà ils étaient à la tête des affaires, et ils demandent la prééminence, la place d’honneur. Ils croyaient que la fin était proche, que tout était achevé et que le temps était venu de distribuer les couronnes et les récompenses. Ce n’est pas une conjecture que je fais, ni une simple probabilité que j’énonce. Jésus-Christ lui-même, qui connaît les secrets des cœurs, va nous le déclarer. Écoutez ce qu’il leur répond : Vous ne savez ce que vous demandez. Quoi de plus clair ? Ils ne savaient ce qu’ils demandaient ; ils lui parlent de couronnes, de récompenses, de prééminence, d’honneur, avant d’avoir combattu.
Par ces paroles : Vous ne savez ce que vous demandez, Jésus-Christ nous indique deux choses : la première, c’est que les fils de Zébédée parlent d’un royaume dont Jésus-Christ n’avait rien dit ; car il ne s’agissait pas de ce royaume temporel et terrestre ; la seconde, c’est qu’en recherchant la prééminence, en voulant paraître plus élevés, plus brillants que les autres, ils font une demande très-inopportune. Ce n’est pas le temps des couronnes et des récompenses, mais des combats, des luttes, des peines, des sueurs, des dangers, des guerres. Voici donc le sens de ces mots : Vous ne savez ce que vous demandez. En me parlant ainsi vous n’avez pas encore souffert, vous n’êtes pas encore descendus dans l’arène ; le monde est encore égaré, l’impiété domine, les hommes périssent ; vous ne vous êtes pas encore élancés de la barrière pour courir au combat. Pouvez-vous boire le calice que je vais boire, et être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? (Mrc. 10, 38). Il appelle calice et baptême sa croix et sa mort : calice, parce qu’il l’accepte avec plaisir, baptême, parce que par là il purifie la terre. C’est aussi pour montrer la facilité de sa résurrection. Celui qui est baptisé dans l’eau en sort facilement, la nature de cet élément n’offrant aucune résistance ; ainsi Jésus-Christ descendu au tombeau ressuscite avec la plus grande facilité. C’est pourquoi il l’appelle baptême. Voici ce qu’il veut dire : Pouvez-vous souffrir la mort, car maintenant c’est le temps de la mort, des dangers, des peines. Ceux-ci répondent : Nous le pouvons, sans savoir ce qu’ils disent, et dans l’espoir d’obtenir leur demande. Jésus reprend : Vous boirez le calice, vous serez baptisés du baptême dont je vais être baptisé. Il appelle ainsi la mort. Car, Jacques eut la tête tranchée par le glaive, et Jean mourut plusieurs fois. Mais d’être assis à ma droite et à ma gauche, ce n’est point à moi à vous le donner, mais à ceux à qui il a été préparé.
Voici le sens. Vous mourrez, vous serez torturés et honorés du martyre. Cependant, d’être les premiers, ce n’est pas à moi à vous le donner, c’est aux athlètes à le conquérir par une plus vive ardeur, un plus grand zèle. Pour rendre ceci encore plus clair, faisons une supposition voici un agonothète[1] ; une mère ayant deux fils athlètes vient le trouver avec ses enfants et lui dit : Faites que mes deux fils obtiennent la couronne. Que répondrait-il ? La même chose que Jésus-Christ ; ce n’est pas à moi à la donner. Je suis agonothète, j’accorde les récompenses non à la faveur ni aux prières, mais au succès. Car l’agonothète doit donner le prix au courage et non au premier venu. C’est ce que fait aussi Jésus-Christ ; par là il ne détruit pas son essence ni sa dignité de Dieu ; il montre que ce n’est pas à lui seul de donner la récompense, que c’est aussi aux combattants de la prendre. Car si cela dépendait de lui seul, tous les hommes seraient sauvés et viendraient à la connaissance de la vérité ; les honneurs ne seraient pas divers ; puisqu’il a fait tous les hommes et prend un soin égal de tous.
Qu’il y ait des gloires diverses, saint Paul

  1. Celui qui présidait aux jeux, adjugeait et décernait les récompenses.