Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/466

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en ce lieu, vous offriez vos cours à Dieu comme des instruments mélodieux, vous permettiez à l’Esprit-Saint d’en faire vibrer les cordes secrètes et d’animer vos âmes du souffle de sa grâce. Un concert harmonieux s’est élevé de cette enceinte pour réjouir, non-seulement les hommes, mais encore les puissances célestes.
Allons donc ! aujourd’hui encore, nous devons armer notre parole pour livrer un assaut à ces habitudes de vie souillée et dissolue dénonçons publiquement ces gens qui y consument leurs jours ; non pas pour les couvrir de honte, mais pour les sauver de la honte ; non pas pour les charger d’ignominie, mais pour les corriger ; non pas pour les livrer à la risée publique, mais pour les débarrasser de la dérision infâme qui s’attache à eux et pour les arracher des mains du démon : car, consacrer ses journées à l’ivrognerie, à la gourmandise, ii la débauche, c’est se réduire sous le joug tyrannique de satan. Puissent nos paroles leur être utiles ! Si, après nos admonestations, ils persévèrent dans leurs vices, nous ne cesserons pas pour cela de leur donner les conseils de la sagesse : de même que les sources ne laissent pas que de couler lors même que personne ne vient s’y abreuver, ni les ruisseaux de répandre leurs eaux lors même que personne ne vient y puiser, ni les fleuves de poursuivre leur cours lors même que personne ne vient y boire ; de même faut-il que le prédicateur accomplisse toujours son ministère lors même que personne ne vient en profiter.
Voici en effet la loi que Dieu, dans son amour pour les hommes, nous a imposée, à nous qui sommes chargés du ministère de la parole sacrée : ne nous lasser jamais de faire tous les efforts possibles et ne garder jamais le silence soit qu’on vienne nous écouter, soit qu’on passe sans nous entendre. Autrefois le prophète Jérémie annonçait aux Juifs les menaces divines et leur prédisait les nombreuses calamités qui les attendaient ; bafoué par ses auditeurs et tourné chaque jour en dérision, il songeait à renoncer à un pareil ministère ; blessé, dans ses plus vifs sentiments d’homme, il ne pouvait plus supporter les moqueries et les outrages. Écoutez-le exprimant ce qu’il éprouve : Je suis devenu, s’écriait-il, l’objet de railleries moqueuses, tout le long du jour : j’ai dit que je ne parlerai plus et que je ne prononcerai plus le nom du Seigneur. Mais voilà qu’il s’est allumé en moi comme un feu ardent qui me dévore les entrailles ; je tombe tout en langueur, je n’en puis plus. (Jer. 20, 7) Que signifient ces paroles ? J’ai voulu, dit-il, cesser mes prédictions, parce que les Juifs ne m’écoutaient pas ; mais à peine ai-je conçu cette pensée, que la grâce énergique de l’Esprit-Saint fit irruption dans mon âme comme un incendie, embrasant mes entrailles, me consumant et nie dévorant jusqu’à la moelle des os, de telle sorte due je n’ai pu résister à la violence de cet embrasement. Si le Prophète, qui était en butte aux dérisions, aux avanies, aux outrages chaque jour renouvelés, fut frappé d’un pareil châtiment pour avoir seulement conçu la pensée de se taire, quelle indulgence mériterons-nous, si, n’ayant rien à souffrir de semblable, nous laissons abattre notre courage par l’indifférence insouciante de certains auditeurs, et si nous désertons l’enseignement sacré alors que tant d’âmes font preuve de bonne volonté ?
2. Ce n’est pas pour me consoler et me flatter que je parle ainsi : j’ai mis dans mon cœur la volonté de remplir le ministère de la parole tant que j’aurai un souffle de vie, tant qu’il plaira à Dieu de me laisser en ce monde, la volonté de faire mon devoir, qu’on m’écoute ou non. Mais il y a des gens qui se plaisent à casser, si je l’ose dire, les bras aux autres ; qui, non contents de ne rien faire eux-mêmes pour rendre leurs frères meilleurs, s’efforcent de glacer par leurs sarcasmes et leurs moqueries le zèle et la ferveur des autres ; qui sont toujours à dire : « Assez de conseils, assez d’admonestations ! Personne ne vous écoute ! Cessez donc de vous occuper de ce monde-là ! » Puisqu’il y a des gens qui parlent de la sorte, je veux expulser d’une foule d’esprits ce sentiment détestable et inhumain, cet artifice diabolique ; je veux m’en expliquer tout au long dans ce discours. Hier même, je le sais, ces propos ont été tenus par plusieurs d’entre vous, qui, voyant certaines gens passer leur journée au cabaret, s’écriaient en plaisantant et en ricanant « En voilà que le sermon a bien persuadés ! Personne ne met plus les pieds au cabaret ; tous sont devenus des modèles de sobriété ! »
Que dites-vous là, mon ami ? Vous ai-je promis de prendre en un seul jour tous les poissons dans mon filet ? Je n’en aurais gagné que dix, que cinq, qu’un seul, ne serait-ce pas assez pour m’encourager ? Mais j’ajoute quelque chose de plus fort : j’accorde que mes paroles