Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/468

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œuvres par centaines ; en ce cas, la récompense est tout entière pour le peuple seul : à nous, il ne reviendra rien, si nous n’avons pas eu l’initiative du conseil ; de même, si le peuple n’écoute pas nos exhortations, c’est à lui qu’appartient toute la punition : à nous, rien ne sera imputé, ou plutôt à nous reviendra devant Dieu une large récompense, parce que nous aurons rempli tout notre ministère. Dieu ne nous ordonne rien autre chose que de placer son argent chez les banquiers. (Mat. 25, 27) C’est-à-dire de prêcher sa parole et d’exhorter. C’est comme s’il disait : parlez, prêchez. – Mais on ne nous écoute pas ! – Qu’importe, vous n’en avez pas moins votre récompense toute préparée, pourvu que vous remplissiez votre devoir, pourvu que vous n’y renonciez pas jusqu’à ce que vous ayez produit la persuasion ou que vous ayez rendu votre dernier souffle de vie. Que rien ne puisse mettre un terme à vos exhortations si ce n’est l’obéissance de ceux qui vous écoutent. Le démon s’occupe constamment à traverser l’œuvre de notre salut, et ce n’est pas pour en tirer aucun profit, puisqu’au contraire il ne fait par son zèle qu’aggraver son supplice ; malgré cela, il pousse sa fureur à tel point qu’il tente souvent l’impossible, qu’il attaque non-seulement ceux qu’il a confiance d’ébranler et d’abattre, mais aussi ceux qui, selon toute probabilité, ; fouleront aux pieds toutes ses machinations. Un jour, après avoir entendu l’éloge du patriarche Job fait par celui qui connaît tous les secrets, par Dieu même, il s’imagina qu’il pourrait encore le faire chanceler ; il ne cessa dès lors de tout remuer, de tout bouleverser pour venir à bout de le faire tomber ; il ne désespéra pas de réussir, cet impur et abominable démon ; il ne désespéra pas, après même que Dieu eût rendu le plus éclatant témoignage de la vertu de l’homme juste. Et nous ensuite, nous ne rougirons pas, nous n’aurons pas honte de désespérer du salut de nos frères, quand nous voyons le diable ne pas désespérer de notre perte et l’attendre infatigablement ! Ne semble-t-il pas qu’il devait renoncer à la lutte contre Job avant même de l’essayer, puisque Dieu lui-même avait attesté la vertu de ce juste ? Néanmoins il ne recula pas ; poussé par sa haine furieuse contre nous, il espéra, même après le suffrage accordé par Dieu, venir à bout de l’homme le plus excellent de cette époque. Nous ne voyons rien de pareil qui puisse nous décourager dans notre œuvre, et pourtant nous y renonçons. Le démon, malgré la défense du Seigneur, ne lâche pas prise dans le combat qu’il nous livre ; et nous, lorsque Dieu nous excite et nous pousse à secourir nos frères ébranlés, nous reculons ! Le démon avait entendu le Seigneur déclarer que Job était un homme juste, aimant la vérité, craignant le Seigneur, exempt de toute couvre mauvaise (Job. 1, 8), supérieur enfin à tous ceux qui alors habitaient la terre : nonobstant ces témoignages si complets et si beaux, le démon continua à dire : Que m’importe, si, par la continuité et la grandeur des maux qui vont l’accabler, j’arrive à vaincre cet homme, à renverser la tour sublime de sa vertu ?
4. Tandis que le démon acharné à nous perdre déploie contre nous une vigilance aussi active, si nous n’apportons pas même l’ombre d’un zèle semblable à la sanctification de nos frères, nous qui avons Dieu pour auxiliaire, quel droit aurons-nous à l’indulgence, quelle excuse présenterons-nous ? – Quand vous trouvez votre frère dur, opiniâtre, rebelle, dites en vous-même : Que m’importe, si, avec le temps, je viens à bout de le fléchir ? – C’est le précepte de saint Paul : Il ne faut pas que le serviteur de Dieu s’habitue à contester ; mais il doit être modéré envers tout le monde, instruisant ceux qui résistent à la vérité, dans l’espérance que Dieu leur donnera un jour l’esprit de pénitence pour leur faire connaître cette vérité. (II Tim. 24, 25) Voyez des parents auprès de leurs enfants malades à mourir : comme ils se tiennent à leur chevet, comme ils les couvrent de larmes, de gémissements et de baisers, comme ils emploient jusqu’au dernier soupir tous les moyens possibles pour les sauver ! Faites de même pour vos frères. Et ces malheureux parents ne peuvent, par les pleurs et les lamentations, ni chasser la maladie, ni écarter la mort qui approche : vous au contraire, vous pourrez souvent, par l’assiduité et la persévérance de vos larmes et de vos gémissements, gagner une âme qui va périr et la ressusciter. Avez-vous donné des conseils qui n’ont pas produit la persuasion, pleurez alors, frappez votre poitrine, frappez encore, soupirez vers Dieu, afin que votre pieuse sollicitude fasse rougir votre frère et le convertisse au salut. Que pourrais-je faire moi tout seul ? Seul je ne puis vous assister tous chaque jour ; seul, je ne puis me faire entendre de cette multitude immense !