Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/511

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terre qui reçoit dans son sein un corps périssable et corruptible, vous le rend incorruptible et inaltérable. Ne considérez donc pas cet homme étendu sans vie et sans voix, les yeux fermés ; mais pénétrez dans l’avenir, voyez-le ressuscitant, se revêtant d’une gloire ineffable, divine, surnaturelle, et transportez vos idées de l’objet présent à l’espoir futur. Vous regrettez une personne qui vous était chère, et que vous ne reverrez plus ; c’est là ce qui vous afflige, ce qui cause vos pleurs et vos lamentations. Mais quoi ! si vous donniez votre fille à un jeune époux, qui l’emmènerait dans un pays éloigné pour l’y faire jouir d’une fortune brillante, loin de croire que ce fût là un malheur pour vous, vous vous consoleriez de l’absence de votre fille en apprenant la prospérité dont elle jouit ailleurs ; et lorsque ce n’est pas un homme, un de vos semblables, mais le Seigneur lui-même qui a pris votre ami, vous pleurez, vous vous lamentez ! cette conduite est-elle raisonnable ?
Mais, direz-vous, comment ne pas s’affliger lorsqu’on est homme ? J’en conviens ; aussi n’est-ce pas l’affliction que je blâme, mais l’excès de l’affliction. Il est dans la nature de ressentir de la tristesse, mais s’attrister outre mesure est sinon une déraison et une folie, du moins le fait d’une âme peu virile. Affligez-vous, pleurez ; mais ne vous désespérez pas, ne vous emportez pas, ne vous indignez pas. Dieu prend votre ami ; rendez grâces à Dieu, afin d’honorer votre ami au sortir de ce monde, et de lui faire les funérailles les plus nobles et les plus magnifiques. Si vous vous emportez, vous outragez votre ami décédé, vous irritez le Seigneur qui le prend, vous vous faites tort à vous-même ; si vous rendez grâces au Ciel, vous honorez le mort, vous glorifiez le Très-Haut, vous vous faites du bien à vous-même. Pleurez, mais comme votre Maître a pleuré Lazare, en gardant des mesures, en observant des règles, en mettant à votre douleur des bornes que vous ne devez point passer. C’est ce qui fait dire à saint Paul : Je ne veux pas que vous ignoriez ce que vous devez savoir touchant ceux qui dorment du sommeil de la mort, afin que vous ne vous affligiez pas comme font les autres hommes qui n’ont point d’espérance. Affligez-vous, dit-il, mais non comme le païen qui ne croit pas à la résurrection, qui n’espère pas une vie future. J’ai honte, croyez-moi, je rougis, lorsque, traversant la place publique, je vois des troupes de femmes dans le plus grand désordre, s’arrachant les cheveux, se déchirant les joues et les bras, se livrant à ces excès en présence des infidèles. Eh ! que diront-ils de nous ces infidèles ? comment s’exprimeront-ils à notre sujet ? sont-ce là ces hommes qui raisonnent si bien sur la résurrection ? Oui, sans doute ; mais leur conduite n’est guère d’accord avec leur croyance ; ils parlent de résurrection dans leurs discours, et leurs actions sont celles de personnes qui n’y croient pas. S’ils y croyaient fermement, agiraient-ils ainsi ? s’ils étaient persuadés que celui qu’ils pleurent est passé à un état plus heureux, se lamenteraient-ils ? Tels sont les propos, et de plus piquants encore, que ne manquent pas de tenir les infidèles lorsqu’ils entendent nos lamentations. Soyons donc plus sages, rougissons de notre faiblesse, ne nous causons pas à nous-mêmes et à ceux qui nous voient un si grave préjudice.
Eh ! pourquoi, je vous le demande, pleurez-vous celui qui a quitté ce monde ? Est-ce parce qu’il était méchant et vicieux ? Mais vous devez rendre grâces au Seigneur de ce qu’il a rompu le cours de ses vices. Est-ce parce qu’il était bon et vertueux ? Mais vous devez vous réjouir de ce qu’il a été enlevé avant que le vice eût corrompu son cœur, de ce qu’il a passé dans un séjour où sa vertu sera désormais en sûreté, où l’on ne pourra plus craindre pour lui de changement. Est-ce parce qu’il était jeune ? c’est une raison de glorifier Dieu qui l’a pris, qui l’a appelé de bonne heure à une condition plus heureuse. Est-ce parce qu’il était avancé en âge ? c’est encore une raison de rendre grâces à Dieu qui l’a délivré des infirmités (le la vieillesse. Respectez la forme de nos funérailles. Si l’on chante des psaumes, si l’on prononce des prières, si l’on rassemble les Pères, les Frères, ce n’est pas afin que vous pleuriez le mort, que vous vous lamentiez, que vous vous désespériez, mais afin que vous rendiez grâces au Seigneur qui l’appelle à lui. Et comme ceux qui vont prendre possession d’une magistrature, sont accompagnés d’un grand nombre de personnes qui les félicitent ; de même lorsque les saints partent de ce monde, tous leurs amis doivent les accompagner en les félicitant, parce qu’ils sont appelés à de grands honneurs.
La mort est un repos, la délivrance des