Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/512

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peines et des inquiétudes de cette vie. Lors donc que vous voyez un de vos parents quitter la terre pour toujours, ne vous emportez pas, mais touché et pénétré, rentrez en vous-même, interrogez votre conscience, et considérez que vous ne tarderez pas à subir la même fin. Devenu plus sage et craignant pour vous-même en voyant mourir un de vos semblables, sortez de votre langueur, revenez sur vos actions, corrigez vos fautes, opérez en vous un parfait changement.
Nous différons des infidèles en ce que nous jugeons autrement des choses. L’infidèle voit le ciel ; et il l’adore, parce qu’il pense que c’est un dieu. Il voit la terre ; et il lui rend un culte, et il soupire après les objets sensibles. Nous, au contraire, nous voyons le ciel ; et nous admirons celui qui l’a fait, parce que nous ne croyons pas que ce soit un dieu, mais l’ouvrage de Dieu. Je vois l’univers créé ; et la vue des créatures.m'élève jusqu’au Créateur. L’infidèle voit les richesses ; et, frappé de leur éclat, il soupire après elles : moi, je vois les richesses, et je les méprise. Il voit la pauvreté, et il se lamente ; moi, je vois la pauvreté, et je me réjouis. L’un et l’autre nous ne voyons pas les choses de la même manière, et nous différons aussi sur la mort. Il voit un cadavre, et il croit que c’est un cadavre ; moi, je vois un cadavre, et je juge la mort un sommeil. Et comme les savants et les ignorants ne voient pas des mêmes yeux les caractères qui forment une écriture, que les uns n’y aperçoivent que des figures muettes, tandis que les autres y découvrent, avec intelligence, tous les sens qu’ils renferment : ainsi dans les choses de ce siècle, les événements viennent frapper également nos regards, mais nous ne les voyons pas des mêmes yeux, et nous n’en jugeons pas de même. Nous qui différons des infidèles dans tout le reste, porterons-nous le même jugement qu’eux sur la mort ?
3. Songez où est allé celui que vous pleurez, et que cette idée vous console. Il est allé où est saint Paul, où est saint Pierre, où est le chœur de tous les saints. Songez avec quelle gloire, avec quel éclat il doit ressusciter un jour ! Songez que, par vos pleurs et vos lamentations, vous vous ferez le plus grand tort à vous-même, sans pouvoir remédier à vos malheurs ni réparer vos pertes. Songez à ceux que vous imitez en vous désespérant comme vous faites, et craignez de partager leur faute. Qui donc imitez-vous ? qui prenez-vous pour modèles ? ceux qui n’ont point d’espérance, suivant ce que dit saint Paul : Afin que vous ne vous affligiez pas comme font les autres hommes, qui n’ont point d’espérance. Voyez avec quelle exactitude s’exprime l’Apôtre. Il ne dit pas : Ceux qui n’ont point l’espérance de la résurrection, mais simplement : ceux qui n’ont point d’espérance. Car celui qui n’espère pas un jugement futur, n’a aucune espérance ; il ne sait pas même s’il existe de Dieu, si ce Dieu veille sur les choses de ce monde, si sa justice examine tout ce qui s’y passe. Celui qui ne sait ni ne croit ces vérités, est plus déraisonnable que la brute : il a banni de son cœur tous les principes de police humaine et de justice naturelle. Oui, sans doute, celui qui ne s’attend pas à rendre compte de ses actions, sera aussi incapable d’acquérir quelque vertu, que susceptible de tous les vices. Pénétrés de ces idées, et pensant à la folie, à la démence des païens dont nous nous rapprochons par nos pleurs et nos lamentations, évitons d’avoir avec eux de la ressemblance. Voilà pourquoi saint Paul parle des infidèles, c’est afin que, songeant au déshonneur que vous vous faites à vous-même, vous rougissiez d’avoir avec eux des rapports, vous reveniez à la dignité de votre nature.
Et ce n’est pas seulement dans cet endroit, mais dans plusieurs autres et sans cesse, que le bienheureux Paul emploie ce langage. Lorsqu’il veut nous retirer du péché, il montre avec gai nous nous associons par le péché, afin que la qualité des personnes nous fasse éviter toute communication avec elles. Aussi disait-il, en écrivant aux Thessaloniciens : Que chacun sache posséder le vase de son corps avec sainteté et décence, et non en se livrant à des passions honteuses, comme les païens, qui ne connaissent pas Dieu. (1Th. 4, 4-5) Je vous avertis, dit-il aux Éphésiens, de ne plus vivre comme les autres nations qui suivent dans leur conduite la vanité de leurs pensées. (Eph. 4, 17) Je ne veux pas, mes frères, dit-il ici, que vous ignoriez ce que vous devez savoir touchant ceux qui dorment du sommeil de la mort, afin que vous ne vous affligiez pas comme les autres hommes, qui n’ont point d’espérance. Car ce n’est pas la nature des choses, mais la disposition de notre âme, qui produit en nous l’affliction ; ce n’est pas la mort de celui qui sort de ce monde,