Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/513

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mais la faiblesse de ceux qui le pleurent. Aucun des événements présents ne pourra donc affliger le fidèle ; mais avant de jouir des biens futurs, il diffère dès à présent des infidèles, en ce qu’il ne retire pas de médiocres avantages de la sagesse chrétienne, qui lui procure une joie continuelle et une tranquillité parfaite. C’est ce qui fait dire au même saint Paul : Réjouissez-vous saris cesse dans le Seigneur ; je vous le dis encore une fois, réjouissez-vous. (Phi. 4, 4) Ainsi, même avant la résurrection, nous recevons ici-bas cette douce récompense, de ne nous laisser abattre par aucun des maux qui nous surviennent, mais de jouir d’une grande consolation par l’espoir des biens futurs. Ainsi donc nous avons un double avantage, et l’infidèle au contraire éprouve ce double préjudice, et d’être puni dans un autre monde pour n’avoir pas cru à la résurrection, et de se laisser abattre par les malheurs présents, parce qu’il n’espère aucun bonheur à venir. Nous devons rendre grâces à Dieu non-seulement pour la résurrection, mais pour l’espérance de la résurrection qui peut consoler notre âmé affligée, et nous inspirer au sujet des morts cette ferme confiance, qu’ils ressusciteront un jour et que nous les retrouverons ailleurs.
S’il faut s’affliger et pleurer, pleurons ceux qui vivent dans le péché, et non ceux qui meurent dans la vertu. C’est ce que fait encore saint Paul : J’appréhende, dit-il, écrivant aux Corinthiens, que Dieu ne m’humilie lorsque je serai revenu chez vous, et que je ne sois obligé d’en pleurer plusieurs. (2Co. 12, 21) Il ne dit pas : plusieurs qui seront morts, mais plusieurs, qui, étant déjà tombés dans des excès et des dérèglements infâmes, n’en ont point fait pénitence. Ce sont ceux-là qu’il faut pleurer, comme un écrivain sacré nous y exhorte Pleurez un mort, dit-il,parce qu’il ne jouit plus de la lumière du jour ; pleurez aussi un insensé, parce qu’il ne jouit plus de la raison. Pleurez peu un mort qui a trouvé un repos éternel pleurez davantage un insensé, dont la vie est pire que le trépas. (Sir. 22, 40, 11-12) Mais si celui qui est privé de la raison, doit être pleuré sans cesse ; combien plus ne doit-on pas pleurer celui qui est privé de la justice et qui a perdu l’espérance en Dieu ? Pleurons donc ces hommes, parce que ces pleurs nous sont profitables, et qu’en les pleurant nous nous corrigeons souvent nous-mêmes ; au lieu que les lamentations au sujet des monts sont aussi peu raisonnables qu’elles nous sont nuisibles. Ne renversons point l’ordre, pleurons seulement le péché ; quant à tout le reste, la pauvreté, la maladie, la mort prématurée, la calomnie, les persécutions, et tous les maux humains qui peuvent fondre sur nous, supportons-les courageusement, parce que, si nous sommes sages, ces maux ne sont qu’une occasion de mériter plus de couronnes.
4. Et comment, étant homme, direz-vous, peut-on ne pas s’affliger ? Moi, je dis au contraire, comment peut-on s’affliger étant homme, doué de raison et d’intelligence, soutenu par l’espoir des biens futurs ?
Et quel est celui, direz-vous encore, qui ne se soit pas laissé abattre par la tristesse ? Il s’en est trouvé plusieurs dans différentes régions, et de notre temps et du temps de nos ancêtres. Écoutez ce que dit Job après avoir perdu tous ses enfants : Le Seigneur me les a donnés, le Seigneur me les a ôtés, il est arrivé ce que le Seigneur a voulu. (Job. 1, 21) Ce simple trait du courage de Job est admirable sans doute ; mais vous aurez encore bien plus lieu d’être frappés si vous entrez dans le détail. Pensez que le démon ne lui a pas ôté une moitié de ses enfants et laissé l’autre moitié, qu’il ne lui en a pas au moins laissé quelques-uns en le privant du plus grand nombre ; mais il a ravagé tous les fruits sans pouvoir renverser l’arbre ; il a soulevé tous les flots de la mer sans submerger le navire, il a épuisé toutes ses forces sans ébranler la tour. Quoique assailli de toutes parts, Job est resté ferme et inébranlable ; une grêle de traits a été lancée sur lui sans le frapper, ou du moins sans le blesser. Songez combien il est cruel de perdre un si grand nombre d’enfants ! et combien de circonstances capables d’aggraver encore sa peine ? Se les voir enlever tous, tous à la fois, dans un seul jour, à la fleur de l’âge, lorsqu’ils avaient montré tant de vertu ! se les voir enlever par un tel genre de mort, et recevoir cette dernière disgrâce après tant d’autres ! J’insiste sur ce que celui qui leur avait donné la naissance était un père tendre, et qu’ils étaient eux-mêmes dignes de tous ses regrets. Lorsqu’on voit mourir des enfants vicieux, on est affligé de leur perte ; mais l’affliction n’est pas extrême, elle se trouve fort affaiblie par les mauvaises inclinations de ceux qu’on a perdus. Mais s’ils sont vertueux, la blessure est profonde, on ne peut