Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/519

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la semence répandue sur un auditoire si nombreux, ne me rapporte pas du fruit. Si tous n’écoutent pas, la moitié écoutera ; si la moitié n’écoute pas, la troisième partie écoutera ; si elle n’écoute pas, la dixième écoutera ; si la dixième partie n’écoute pas, une personne au moins de cette multitude écoutera : qu’elle écoute donc. Car ce n’est pas une chose de peu d’importance que le salut d’une brebis, puisque le pasteur de l’Évangile (Mat. 18, 12), en abandonna quatre-vingt-dix-neuf pour courir après celle qui s’était égarée. Je ne méprise pas l’homme, et quand même il ne serait qu’un, il est homme, c’est-à-dire la créature favorite de Dieu ; et quand même il serait esclave, il ne me paraîtrait pas méprisable, car je ne cherche pas la dignité, mais la vertu : je cherche l’âme sans distinguer celle du maître de celle de l’esclave. Et quand même il ne serait qu’un, il est homme, et pour lui la voûte des cieux fut étendue, le soleil brille, la lune poursuit sa course, l’air fut partout répandu, les sources jaillissent, la plaine des mers a été formée, les prophètes envoyés et la loi donnée ; et qu’est-il besoin de tout dire ? pour lui le Fils unique de Dieu s’est fait homme. Mon Seigneur a été immolé, et son sang a été versé pour le salut de l’homme, et moi j’irais le mépriser ! mais quel pardon mériterais-je ? Ne savez-vous pas que le Seigneur s’entretint avec la Samaritaine, et fit les frais d’une longue conversation ? (Jn. 4, 6 et suiv) Son titre de Samaritaine ne la fit pas mépriser, mais l’âme qu’elle avait la fit rechercher avec ardeur ; et quoiqu’elle fût une prostituée, elle ne fut pas dédaignée ; mais parce qu’elle devait être sauvée et qu’elle montra de la foi, elle devint l’objet de soins empressés. Pour moi je ne cesserais pas de parler quand même personne ne m’écouterait je suis médecin et j’applique les remèdes ; je suis apôtre, et j’ai reçu l’ordre d’instruire. En effet, il est écrit : Je t’ai donné pour sentinelle à la maison d’Israël. (Eze. 3, 17) Je ne convertis personne. Et qu’importe ? je gagne néanmoins mon salaire. Du reste je mets ici les choses au pire ; car il est impossible que dans une si grande multitude quelqu’un ne devienne pas meilleur. Mais voici les prétextes, voici les excuses des auditeurs indolents : J’écoute chaque jour, disent-ils, et je ne fais pas. Écoutez, quand même vous ne feriez pas ; car c’est cri écoutant que l’on arrive à faire. Quand même tu ne ferais pas, tu ressens de la honte de tes péchés ; quand même tu ne ferais pas, tu changes de sentiment ; quand même tu ne ferais pas, tu te condamnes toi-même de ce que tu ne fais pas. Or, cette condamnation de toi-même, d’où vient-elle ? C’est le fruit de mes discours. Quand tu dis : hélas ! j’ai écouté et je ne fais pas, cet hélas est le prélude d’une amélioration. As-tu péché ? pleure, et tes larmes effaceront ton péché ; car il est écrit : Avoue toi-même le premier tes fautes, afin d’être justifié. (Isa. 43, 26) Si tu es dans l’affliction et dans la tristesse, la tristesse renferme quelque chose de salutaire, non en vertu de sa nature, mais par un effet de la bonté du Seigneur. Celui qui a des péchés sur la conscience ne trouve pas un médiocre soulagement dans l’affliction qu’il endure, car il est encore écrit : J’ai vu son affliction et sa tristesse, et je l’ai guéri de ses douleurs. (Isa. 57, 18) O bienveillance ineffable ! 0 bonté au-dessus de toute expression ! J’ai vu son affliction et je l’ai guéri. Qu’y a-t-il donc de si grand dans son affliction ? Rien, il est vrai, mais j’en ai pris occasion de le guérir de ses douleurs. Voyez-vous comment, en un instant bien court, Dieu a tout réconcilié !
Reportez donc continuellement vos pensées vers cette soirée du tremblement de terre. Tous les autres, il est vrai, redoutaient le tremblement ; pour moi je redoutais la cause du tremblement. Comprenez-vous bien ce que je dis ? Les autres craignaient le renversement de la ville et la mort ; moi je craignais que le Seigneur ne fût irrité contre nous ; car il n’est pas terrible de mourir, mais il est terrible d’irriter le Seigneur. De sorte que je ne redoutais pas le tremblement de terre, mais la cause du tremblement. Or, la cause du tremblement, c’était la colère de Dieu, et la cause de la colère de Dieu, ce sont nos péchés. Ne craignez donc jamais le châtiment, mais le péché, qui est le père du châtiment. La ville est-elle ébranlée ? Qu’importe ? Que votre esprit ne soit pas ébranlé ? En effet, quand il s’agit de maladies et de blessures, nous ne pleurons pas ceux que l’on traite, mais ceux dont la maladie est incurable. La maladie et la blessure, c’est le péché ; l’amputation et le remède, c’est le châtiment.
3. Comprenez-vous ce que je dis ? Soyez attentifs, car je veux pour vous instruire employer un langage philosophique. Pourquoi plaignons-nous ceux qui subissent un châtiment