Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/520

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et ne plaignons-nous pas ceux qui pèchent ? Cependant le châtiment n’est pas quelque chose d’aussi fâcheux que le péché, car le péché est le principe du châtiment. Si donc vous voyez un homme atteint d’un ulcère, et du corps duquel sortent le pus et les vers, et qui cependant ne donne aucun soin à cette plaie et à cet ulcère ; et un autre homme qui se trouve, il est vrai, dans le même état, mais qui est traité par des mains habiles, que l’on cautérise, que l’on ampute et qui prend des remèdes amers, lequel des deux plaindriez-vous, dites-moi ? celui qui est malade et qui ne subit aucun traitement, ou bien celui qui est malade et qui subit un traitement ? Il est évident que ce serait celui qui est malade et qui ne subit aucun traitement.
De même, supposons deux pécheurs dont l’un est châtié et dont l’autre ne l’est pas gardez-vous de dire que ce dernier est heureux parce qu’il est dans l’opulence, qu’il dépouille les orphelins et opprime les veuves. Il n’est point malade dans son corps, il est vrai, et malgré ses rapines, il est estimé, honoré, puissant : il n’a rien à souffrir des accidents de la vie humaine, de la fièvre, des intrigues des méchants ou de quelqu’autre fléau ; de nombreux enfants lui font cortège, il jouit d’une heureuse vieillesse : néanmoins plaignez-le beaucoup parce qu’il est malade dans son âme, et qu’il ne subit aucun traitement. Comment cela ? je vais le dire. Si vous voyiez un homme atteint d’hydropisie et dont le corps est enflé par suite de violentes douleurs spléniques, ne pas courir au médecin, mais rechercher les boissons froides, s’asseoir à une table de sybarite, s’enivrer tous les jours, marcher escorté par des gardes et rendre ainsi la maladie plus grave, dites-moi, le regarderiez-vous comme heureux ou comme malheureux ? Et si vous voyiez un autre homme atteint d’hydropisie subir le traitement d’habiles médecins, se condamner lui-même à la faim, suivre un régime sévère, prendre avec persévérance des remèdes amers qui causent, il est vrai, de la douleur, mais qui rendent la santé par l’effet de cette douleur, ne l’estimeriez-vous pas plus heureux que le précédent ? Il faut bien en convenir : car le premier est malade et il ne se fait pas traiter ; le second est également malade, mais il se soumet au traitement des médecins. A la vérité le traitement est pénible, mais son résultat est plein d’utilité.
Il en est de même dans la vie présente ; mais passez des corps aux âmes, des maladies aux péchés, de l’amertume des remèdes à la punition et au jugement de Dieu. Ce que produisent le remède ordonné par le médecin, l’amputation et le feu, le châtiment infligé par Dieu le produit également. En effet, de même que le feu plusieurs fois appliqué cautérise et arrête les ravages de l’ulcère : de même que le fer enlève les chairs viciées en causant il est vrai de la douleur, mais en procurant de l’utilité ; de même la famine, la peste et tous ces fléaux qui semblent être des maux, sont appliqués à l’âme à la place du fer et du feu, afin d’arrêter ses maladies, produites en elle comme dans les corps, et de la rendre meilleure. Supposons de nouveau deux débauchés (je me sers toujours d’une comparaison), deux débauchés dont l’un est riche et l’autre pauvre. Pour lequel y a-t-il plus d’espoir de salut ? Il faut en convenir, évidemment c’est pour le pauvre. Gardez-vous donc de dire : Ce riche est un fornicateur et il est dans l’abondance, et pour ce motif je le déclare heureux. Vous auriez plutôt lieu de le déclarer heureux si, tout en étant fornicateur, il était dans l’indigence, si en vivant de la sorte il souffrait de la faim, car il aurait forcément la pauvreté pour lui enseigner la sagesse. Quand donc vous voyez le méchant dans la prospérité, pleurez sur lui, car il est doublement malheureux : il est malade, et sa maladie est incurable. Mais quand vous voyez le méchant dans l’adversité, consolez-vous non-seulement parce qu’il devient meilleur, mais parce qu’il expie ici-bas un grand nombre de ses péchés. Donnez toute votre attention à mes paroles. Beaucoup d’hommes sont soumis à l’expiation ici-bas et au châtiment dans l’autre vie ; d’autres y sont soumis seulement ici-bas ; d’autres seulement dans l’autre vie. Retenez bien cette doctrine, car mes paroles bien comprises chasseront de votre esprit une infinité de troubles.
Mais si vous le jugez à propos, occupons-nous d’abord de celui qui est puni dans l’autre vie après avoir vécu ici-bas dans les délices. Que tous, riches et pauvres, soient attentifs à ce que je dis, car cette doctrine est utile aux uns et aux autres. Pour vous convaincre que plusieurs sont punis ici-bas et dans l’autre vie, écoutez les paroles mêmes de Jésus-Christ : En quelque ville ou en quelque maison que vous entriez, en entrant dans cette maison,