Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/525

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vous n’avez pas imité sa vertu ; de même dans le second cas vous seriez plus digne d’éloges parce que ayant une mère vicieuse, vous n’avez pas imité ses vices, mais produit un bon fruit d’une souche amère. On ne demande pas l’illustration des ancêtres, mais une conduite vertueuse.
Pour moi j’appelle noble l’esclave lui-même, et maître celui qui est dans les fers si j’apprends que ses mœurs sont honnêtes. Celui qui est revêtu de dignités me paraît un homme obscur si son âme est esclave. Qui est esclave, en effet, si ce n’est celui qui commet le péché ? L’autre esclavage résulte de la vicissitude des choses, mais celui-ci consiste dans la différence des sentiments ; et c’est de là que dans le principe l’esclavage a pris naissance.
7. Anciennement il n’y avait pas d’esclaves ; car Dieu, en formant l’homme, ne le fit pas esclave, mais libre. Il fit Adam et Eve, et ils étaient libres tous les deux : d’où est donc venu l’esclavage ? Le genre humain dévia de sa route, et franchissant les bornes de la cupidité, il fut poussé dans le libertinage ; et voici ce qui se passa.
Le déluge, ce naufrage commun de la terre entière, arriva ; les cataractes du ciel s’ouvrirent ; les abîmes s’élancèrent hors de leurs digues, tout était eau, le monde visible était ramené à ses premiers éléments et entrait en dissolution ; la terre ne paraissait nulle part, mais partout c’était une mer qui avait pour source la colère de Dieu, partout des flots, partout des mers ;.les montagnes portent vers le Ciel leurs cimes élevées, mais la mer les avait couvertes : il n’y avait plus que la mer et le ciel ; le genre humain avait péri, et il ne restait plus qu’une étincelle, de notre race, Noé, qui comme une étincelle au milieu de la mer, n’était pas éteint par elle, et portait avec lui les prémices de notre espèce, sa femme et ses enfants, puis la colombe et le corbeau, et tous les autres animaux. Ils étaient tous dans l’arche qui, portée sur les eaux, au milieu des flots ne faisait pas naufrage, car elle avait pour pilote le Seigneur de toutes choses. En effet, Noé ne dut point son salut aux planches qui composaient l’arche, mais à la main puissante de Dieu. Et contemplez le prodige ! Lorsque la terre fut purifiée, lorsque les ouvriers d’iniquité eurent disparu, lorsque la tempête eut cessé, le sommet des montagnes apparut, l’arche s’arrêta, Noé lâcha la colombe.
Les choses que nous venons de dire étaient pleines de mystères, et ce qui se passa alors était une figure de ce qui devait arriver plus tard. Ainsi l’arche était la figure de l’Église, Noé, celle de Jésus-Christ, la colombe, celle de l’Esprit-Saint, la branche d’olivier, celle de la bonté de Dieu. L’animal plein de douceur fut lâché, et il sortit de l’arche. Mais ces choses-là n’étaient que la figure, celles-ci sont la réalité. Et remarquez l’excellence de la réalité. De même que l’arche au milieu de la mer sauvait ceux qui étaient renfermés dans son sein, de même l’Église sauve tous ceux qui sont égarés. Mais l’arche conservait seulement, tandis que l’Église fait quelque chose de plus. Ainsi par exemple, l’arche recueillit des animaux sans raison et les conserva tels qu’ils étaient ; l’Église recueille des hommes privés de raison, et non-seulement elle les conserve, mais elle les transforme. L’arche recueillit le corbeau et le relâcha corbeau ; l’Église prend un corbeau et relâche une colombe ; elle prend un loup et le renvoie brebis. Quand un voleur, un usurpateur entre dans son sein et écoute l’enseignement des divins oracles, il change de sentiments, et de loup il devient brebis. Le loup en effet ravit le bien d’autrui, tandis que la brebis cède jusqu’à sa toison. L’arche s’arrêta et les portes en furent ouvertes. Noé, préservé du naufrage, sortit. Il vit la terre dépeuplée, il vit la fange, tombeau rapidement construit, tombeau commun aux bêtes et aux hommes ; les cadavres des chevaux, des hommes et de tous les animaux gisaient ensevelis tous ensemble. Il contempla cette scène tragique, la terre lui parut remplie d’amertume, et il fut en proie à un grand découragement : tous les hommes avaient péri ; aucun homme, aucune bête, aucun des animaux qui n’étaient pas entrés dans l’arche ne fut sauvé ; il n’apercevait que le Ciel dominé par le découragement et accablé par la douleur, il but du vin, et se livra au sommeil afin de charmer sa tristesse. Il était couché sur un lit, se livrant au sommeil comme à un médecin, et voulant faire oublier à son esprit ce qui s’était passé. C’est ce que fait naturellement le vieillard qui a bu du vin, et qui est accablé de sommeil. Car il convient de dire, pour la défense de cet homme juste, que ce qui arriva ne fut pas l’effet de l’ivresse ni d’un désir passionné, mais qu’il voulait simplement guérir sa douleur par les deux moyens auxquels