Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/526

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il eut recours. En effet, Salomon lui-même disait : Donnez du vin à ceux qui sont dans le chagrin et une liqueur enivrante à ceux qui sont en proie à la douleur. (Proverbes, 31, 6)
De là l’usage observé par beaucoup de gens, surtout dans les événements funèbres, quand quelqu’un a perdu son enfant ou son épouse, et que l’affliction le domine, que le découragement s’est emparé de lui, et que la conscience de son malheur prend le dessus, il réunit ses amis dans sa maison, et fait un festin splendide où le vin pur est versé à celui qui est dans le chagrin, afin de calmer sa douleur. C’est précisément ce qui arriva alors à notre vieillard. En effet, dominé par la tristesse, il usa du vin comme d’un remède, et après avoir bu il se livra au sommeil. Mais afin que vous sachiez ce qui a donné naissance à l’esclavage, peu de temps après entra son fils maudit, fils, il est vrai, par la nature, mais non par la conduite, car encore une fois j’appelle noblesse non pas l’illustration des ancêtres, mais la conduite vertueuse. Ce fils étant donc entré vit la nudité de son ire. Il aurait dû la couvrir, il aurait dû la cacher par respect pour la vieillesse, par respect pour le chagrin, par respect pour le malheur et par respect surtout pour son père ; au lieu d’agir ainsi il sortit, divulgua la chose et en fit un récit exagéré. Mais ses autres frères prirent un manteau, et marchant à reculons pour ne pas voir ce qu’il avait divulgué, couvrirent leur père. Noé s’étant levé sut tout et se mit à dire : Maudit soit le jeune Chanaan, qu’il soit le serviteur de ses frères. (Genèse, 9, 25) C’est comme s’il avait dit : Tu seras esclave parce que tu as divulgué l’indécence de ton père. Remarquez-vous bien que l’esclavage vient du péché, et que la perversité lui a donné naissance ? Voulez-vous que je vous montre la liberté naissant de la servitude ? II y avait un esclave nommé Onésime, méprisé et déserteur : il prit la fuite, se retira auprès de saint Paul, obtint le baptême, se purifia de ses péchés et demeura à ses pieds. Saint Paul écrivit à son maître : Onésime, qui autrefois vous a été inutile, vous sera maintenant bien utile ainsi qu’à moi ; accueillez-le comme moi-même. (Phm. 1, 12) Qu’était-il donc arrivé ?Je l’ai engendré dans mes liens.
8. Avez-vous remarqué la noblesse, avez-vous remarqué les mœurs qui enfantent la liberté ? Esclave et homme libre sont simplement des noms. Qu’est-ce que l’esclave ? un simple nom. Combien de maîtres sont étendus ivres-morts sur leurs lits tandis que leurs serviteurs se tiennent auprès d’eux sans avoir bu de vin ! Lequel dois-je appeler esclave, celui qui n’a point bu de vin ou celui qui est ivre ? l’esclave de l’homme ou l’esclave du vice ? Le premier porte extérieurement la marque de son esclavage ; le second porte au dedans de lui-même la chaîne qui le tient captif. Je vous dis cela, et je ne cesserai de vous le dire, afin que vous ayez des choses une idée qui soit en rapport avec leur nature, afin que vous ne soyez pas entraînés dans l’erreur commune, et que vous sachiez ce qu’est l’esclave, ce qu’est le pauvre, ce qu’est le roturier, ce qu’est l’homme heureux, ce qu’est le malheureux. Car si vous saviez discerner tout cela, vous n’auriez à supporter aucun trouble. Mais de peur que la digression, devenant plus considérable que le discours lui-même, ne nous éloigne de notre but, serrons de plus près notre sujet. Le riche dont nous parlons est pauvre désormais, ou plutôt il était déjà pauvre au milieu de l’opulence. En effet, que sert-il à l’homme d’avoir ce qui est étranger à sa nature s’il n’a pas ce qui lui est propre ?
Que sert-il à l’homme de posséder des richesses s’il ne possède pas la vertu ? Pourquoi vous attachez-vous à ce qui n’est pas à vous tandis que vous perdez ce qui est à vous ? Je possède, dites-vous, une terre fertile. Mais qu’est-ce que cela, si vous n’avez pas une âme fertile ? J’aides esclaves ; mais vous n’avez pas la vertu. J’ai des vêtements ; mais vous n’avez pas la piété. Vous possédez ce qui vous est étranger et vous ne possédez pas ce qui vous est propre. Si quelqu’un vous confiait un riche dépôt, pourrais-je vous donner le nom de riche ? Non, certainement. Pourquoi ? ce que vous possédez est à autrui : c’est un dépôt, et plût à Dieu que ce fût seulement un dépôt et qu’il ne devînt pas pour vous un surcroît de supplice ! Le riche apercevant Lazare, s’écria : Père Abraham, ayez pitié de moi ! (Luc. 16, 24) Ce sont là les paroles d’un pauvre, d’un indigent, d’un mendiant. – Père Abraham, ayez pitié de moi ! – Que veux-tu donc ? – Envoyez Lazare. – Quoi ! celui auprès duquel tu as mille fois passé ; celui que tu n’as pas même voulu regarder, tu demandes maintenant qu’on l’envoie à ton