Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/527

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secours ! – Envoyez Lazare. – Où sont donc maintenant tes échansons ? où sont les tapisseries ? où sont les parasites et les flatteurs, le fol orgueil et l’insolence, l’or profondément enfoui, les vêtements rongés des vers, l’argent que tu adorais ; les pompes, les jouissances, où sont-elles ? C’étaient des feuilles : l’hiver est arrivé, et tout s’est desséché ; c’était un songe dès que le jour a lui le songe s’est enfui ; c’était une ombre : la réalité est venue, et l’ombre a disparu. – Envoyez Lazare.
Mais pourquoi ne voit-il aucun autre juste, ni Noé, ni Jacob, ni Loth, ni Isaac, mais Abraham ? Pourquoi donc ? C’est parce que Abraham était hospitalier, et qu’il entraînait les voyageurs dans sa tente, de sorte que l’hospitalité de ce patriarche devient pour le riche un accusateur plus sévère de son inhumanité. – Envoyez Lazare. Entendons bien, très-chers Frères, et craignons, si nous voyons des pauvres, de passer outre, et qu’ils ne deviennent alors pour nous, comme Lazare, de nombreux accusateurs. Envoyez Lazare, afin qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau, et qu’il le fasse égoutter sur ma langue, car je suis dévoré par les flammes. (Luc. 16, 24) Car on usera pour vous de la même mesure dont vous aurez usé pour les autres. (Mat. 7, 2) : tu n’as pas donné tes miettes, on ne te donnera pas une goutte d’eau. Envoyez Lazare, afin qu’il fasse égoutter le bout de son doigt sur ma langue, car je suis dévoré par les flammes. Et que lui répond Abraham ?Mon fils, durant ta vie tu as reçu tes biens et Lazare ses maux ; maintenant il est ici dans la consolation, et toi tu es dans les tourments. (Luc. 16, 25) Ici encore il ne dit pas : tu as eu (έλαβες), mais : tu as reçu (ἀπελαβες) ; l’addition de la préposition (ἀπο) produit dans le sens une grande différence. En effet, ainsi que je l’ai souvent expliqué à votre charité, il faut que nous soyons aussi scrutateurs des syllabes : Scrutez les Écritures, a dit Jésus-Christ\it. (Jn. 5, 39) Car souvent un iota, ou un accent, nous révèle le sens. Et pour vous montrer que l’addition d’une lettre peut former un sens, le patriarche Abraham dont nous parlons s’appelait d’abord Abram. Mais Dieu lui dit : Ton nom ne sera plus Abram, mais Abraham. (Gen. 17, 5) : il ajouta un a, et le rendit père de plusieurs nations. Voici donc que l’addition d’une lettre indique une nombreuse postérité. Ne passez donc pas à la légère sur de pareilles choses. Abraham, en effet, ne dit pas : tu as eu des biens, mais : tu as reçu. Or, celui qui reçoit, reçoit ce qui lui est dû. Faites attention à ce que je dis ; car autre chose est posséder, et autre chose recevoir, recouvrer : on recouvre ce que l’on a déjà eu, et l’on possède souvent ce que l’on ne possédait pas. Tu as recouvré tes biens et Lazare ses maux. Voici donc que le riche reçoit ses biens et Lazare ses maux. J’ai dit tout cela en vue de ceux qui sont châtiés ici-bas, et qui ne le sont pas dans l’autre vie, en vue de ceux qui vivent ici-bas dans les délices, et qui sont punis dans l’autre vie. Faites donc attention à ce que je dis : Tu as reçu tes biens et Lazare ses maux, les maux qu’il devait souffrir, les biens qui t’étaient dus. Soyez attentifs au sujet que je traite, car j’arrive au but, laissez-moi poursuivre le fil de mon discours. Mais n’allez pas vous troubler prématurément, et si je dis quelque chose qui soit de nature à vous troubler, attendez-en la solution. Car je veux exercer la pénétration de votre esprit, et ne pas seulement vous instruire d’une manière superficielle, mais vous faire pénétrer jusque dans les profondeurs des divines Écritures, profondeurs à l’abri des tempêtes, profondeurs plus sûres que le calme de la mer. Plus vous descendrez, plus vous trouverez de sécurité. Là, en effet, ne se trouve pas l’agitation désordonnée des eaux, mais un ordre parfait dans les idées. Tu as reçu tes biens et Lazare ses maux, et maintenant lui est consolé, et toi tu es dans les tourments. La question est importante : j’ai dit que celui qui reçoit reprend ce qui lui est dû. Si donc Lazare était juste, et il l’était en effet, comme l’indique le sein d’Abraham, la couronne, le prix du combat, le repos, la jouissance, la résignation, la patience, pourquoi est-il dit qu’il a reçu ses maux, ses peines ? Si le riche, au contraire, était pécheur, tout à fait méchant et inhumain, adonné à la volupté et à l’ivresse, assis à une table de sybarite, habituellement plongé dans la plus grossière obscénité et le libertinage, pourquoi Abraham lui dit-il : tu as reçu ? Était-il dû quelque chose à cet homme opulent, à ce prodigue, à cet inhumain ? Que lui était-il dû en effet ? Pourquoi ne dit-il pas : tu as eu, mais : tu as reçu ?
9. Renouvelez votre attention : ce qui lui était dû, c’étaient les supplices ; ce qui lui était dû, c’étaient les tourments ; ce qui lui était dû, c’étaient les douleurs. Pourquoi Abraham ne