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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/112

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prière même devienne un crime. » Et cependant il demande aussi qu’il meure avant l’âge : « Que ses jours soient abrégés. » Il ne s’en tient même pas là, et cependant rien que ces malédictions auraient dû lui suffire. Il y ajouts encore, ce qui est la marque d’une âme profondément irritée. Un ou deux châtiments, ce n’est pas assez pour lui, voilà pourquoi il en demande un si grand nombre. Ce qui suit est encore pire, car il souhaite aux enfants d’être orphelins, à la mère d’être veuve. Et pourtant il est nécessaire que tout cela leur arrive du moment que le chef de la famille s’éloigne pour toujours. Néanmoins, dans le feu de sa colère, il formule une imprécation pour chacune de ces conséquences inévitables. Ce n’est pas assez pour lui que les enfants de son ennemi deviennent orphelins ; même après avoir accumulé sur eux tant de malheurs il va plus loin, et rend leur infortune plus terrible, en souhaitant qu’ils soient réduits à errer et à faire le métier de vagabonds. « Que ses enfants ne connaissent plus le repos », dit-il, « qu’ils soient vagabonds, qu’ils demandent l’aumône. » C’est-à-dire qu’ils errent sans jamais s’arrêter, qu’ils ne puissent se procurer le nécessaire, qu’ils ne cessent de changer de lieu, chassés, poursuivis sur toute la terre, et sans trouver nulle part une place où s’arrêter. Avec cela il souhaite qu’ils soient dans la pauvreté, dans une pauvreté extrême et intolérable, au l’oint de ne pas obtenir l’aide de leurs parents, qu’ils aillent çà et là quêtant l’assistance des étrangers et des inconnus. Écoutez en quels termes il fait connaître sa pensée ; après avoir dit : « Que ses fils soient vagabonds et qu’ils mendient », il ajoute : « Qu’ils soient chassés de la demeure qui leur appartient ; que l’usurier dévore toute sa fortune, et que des étrangers s’emparent du fruit de ses travaux. » Voilà que sa vengeance se présente sous une autre forme : il livre leurs biens à la rapacité des étrangers, il les expose aux empiétements de l’usure, il les accable de dommages de toute sorte et, ce qu’il y a de plus terrible, il les laisse sans protecteur au milieu de tant de maux. Tel est en effet le vœu qu’il fait entendre : « Que nul ne lui vienne en aide (12). »
Ces malheurs par eux-mêmes sont accablants, combien plus encore pour ceux qui ne trouvent personne pour les protéger ! « Que nul n’ait pitié de ses orphelins. » O ciel ! quel excès de colère ! mais quoi ! il ne se contente pas de priver ces enfants, devenus orphelins avant le temps, des douceurs de la compassion, que dis-je de la compassion ? Il les précipite dans la misère la plus profonde. « Que ses enfants », dit-il en effet, « soient voués à l’extermination. Que son nom soit effacé en mue seule génération (13). » Voyez-vous la colère qui déborde dans ses paroles et qui ne s’arrête nulle part ? Il souhaite qu’ils vivent en proie à toutes sortes de misères, qu’ils soient livrés à l’extermination, et qu’ils périssent sans que leur nom leur survive. Et comme si le malheur des enfants ne lui suffisait pas, il ajoute encore : « Que l’iniquité de ses pères soit présente à la mémoire du Seigneur, et que le péché de sa mère ne soit point effacé (14). Que leurs péchés soient « toujours devant le Seigneur, et que leur souvenir disparaisse de dessus la terre (15). » Voilà bien le fait d’un homme profondément irrité, d’appeler d’abord sur la tête de son ennemi tous les malheurs à la fois, puis de les citer en détail et d’y revenir avec insistance. « Que l’iniquité de ses pères soit présente à la mémoire du Seigneur », et il ajoute, « et qu’elle ne soit pas effacée », ce qui revient au même, mais la colère l’emporte et le fait se servir des deux expressions à la fois. Ce qu’il veut dire, le voici : Seigneur, tuez-le, égorgez-le, faites-le disparaître. Que de malédictions ! Mais, si vous le voulez bien, je vais revenir sur mes pas et les énumérer de nouveau. Qu’il tombe au milieu d’hommes pervers, dit-il, qu’il soit accusé, qu’il soit vaincu par eux, qu’il soit condamné, qu’il meure avant l’âge, qu’il soit dépouillé de ses honneurs, qu’il les voie transmis non pas à ses descendants, mais à d’autres, que sa femme périsse, que ses enfants soient pauvres, orphelins, que leur vie soit celle des mendiants, qu’ils soient condamnés, qu’ils soient chassés de partout, que nul ne vienne à leur aide, qu’ils cessent même d’avoir part à la bienveillance de Dieu, qu’il n’y ait pour eux ni port, ni asile où ils puissent se réfugier, que son nom soit effacé de dessus la terre, qu’il périsse et que son nom ne lui survive pas, que son père, que sa mère soient punis pour tes péchés qu’ils ont commis, après cela qu’ils périssent, qu’ils disparaissent complètement et sans laisser de traces.
2. L’auditeur qui entend ces paroles n’est-il pas frappé d’épouvante ? Ne désirez-vous pas savoir quel est celui qui est l’objet de telles