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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/113

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imprécations ? Quand nous entendons un homme en accabler un autre d’injures, nous ne manquons pas de demander aux assistants quel est celui qu’on insulte. Quand donc nous entendons le Psalmiste proférer ces malédictions, nous devons bien plus encore demander, et demander avec terreur, avec une âme toute contristée, quel est celui qui s’est attiré une colère si terrible, quel est celui qui a offensé le Saint-Esprit, au point de s’exposer à tant de si redoutables représailles. Eh bien ! s’il vous plaît, reprenons le psaume et donnons-y beaucoup d’attentions. Que nul ne se trouble. Je déduirai mes explications avec toute l’exactitude désirable, du moins autant que je le puis. Car il n’est pas sans importance l’objet de nos recherches. Une chose en premier lieu mérite explication : pourquoi les enfants du pécheur, de cet homme si décrié, pourquoi ses enfants, pourquoi sa femme, pourquoi ses parents sont-ils châtiés avec lui ? En second lieu, quel est-il ce maudit ? En troisième lieu, comment le prince des apôtres prouve-t-il que ce psaume s’adresse à Judas Iscariote, ou plutôt non pas le psaume tout entier, mais une partie du psaume ? « Car », dit-il, « il est écrit dans le livre des Psaumes : Que sa demeure devienne déserte : qu’il n’y ait personne qui l’habite. » (Act. 1,20) Mais voilà qui nous donne un autre sujet de recherches, car ces deux phrases ne se trouvent pas dans ce psaume. Aussi n’a-t-il pas indiqué celui-ci, il a parlé du livre des Psaumes en général. L’expression : « Que sa demeure devienne déserte » se lit dans un autre psaume, et cette expression : « Qu’un autre reçoive sa mission » est tirée du psaume que nous lisons en ce moment. Mais l’apôtre Pierre les a réunies toutes deux pour en former un seul témoignage. C’est ce que saint Paul fait en toute occasion, comme quand il dit : « Il sortira de Sion un libérateur qui bannira l’impiété de Jacob. (Rom. 11,26 ; Is. 59,20) Et ceci sera pour eux mon testament, quand je retrancherai leurs péchés. » (Is. 27,9)
Mais comment qualifier ces paroles ? Est-ce une prophétie, ou une imprécation ? C’est une prophétie sous forme d’imprécation. Nous trouverons cela autre part encore ; Jacob s’est, lui aussi, servi du même procédé. Comme il faut que les auditeurs fassent leur profit des malheurs qui ont frappé d’autres hommes, il arrive que les prophètes adoptent pour énoncer leurs prédictions, des figures de style telles, que les enseignements qu’elles contiennent nous trouvent plus respectueux et plus craintif. Car ce n’est pas la même chose que de dire : tel ou tel sera puni, ou de proférer les mêmes menaces avec le ton de la colère et de l’indignation. Et pour prouver que ce ne sont pas là des explications irréfléchies, je vais vous citer les paroles mêmes des prophètes.. sur son lit de mort, dit à ses fils : « Venez ici et je vais vous dire ce qui doit vous arriver dans les derniers jours. » (Gen. 49,1) Et le voilà gui, au moment de prophétiser, se laisse emporter, pour ainsi dire, par le bouillonnement de sa colère, et qui, dès les premiers mots, éclate en imprécations : « Ruben, « mon premier-né, toi qui es dur à supporter, « dur et intraitable, tu m’as outragé, puisses-tu ne pas croître comme l’eau. » (Gen. 49,3) Il prophétise sa ruine sous forure de malédiction. Par contre, lorsqu’il annonce d’heureux événements, c’est sous forme de souhait : « Que Dieu te donne de la rosée du ciel et de la graisse de la terre. » (Id. 27,28) Ces paroles contiennent encore une prophétie. Il est évident que ce n’est pas là l’expression de la colère d’un homme, car à l’égard de Chanaan, son père fait de même et dit : « Chanaan sera ton esclave (Id. 9,25) », afin que vous sachiez que Dieu se tient devant ceux qui sont en butte aux outrages, et qu’il marche contre leurs agresseurs. Le Christ use aussi du même procédé, il prophétise, quand il dit avec l’accent de la douleur et du regret : « Malheur à toi, Chorozaïn ! Malheur à toi, Bethsaïda ! » (Lc. 10,13) Ou bien encore, quand il s’écrie : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes ! » Quel est donc l’objet de ce psaume ? Il concerne en partie Judas, car le Saint-Esprit prophétisait par la bouche de David, et, pour le reste, il s’adresse à d’autres. Ceci encore est une manière d’agir familière aux prophètes. Nous la trouverons employée plus d’une fois Le début s’adresse à une personne, le reste à une autre. Et pour vous en assurer une seconde fois, vous remarquerez que, après l’entrée des Juifs dans la terre promise, le fils de Navé reçoit de Dieu l’ordre de diviser les douze tribus en douze parties différentes, et de le faire en bénissant les unes, en maudissant les autres. Ces bénédictions et ces malédictions n’étaient que l’annonce de ce qui devait arriver. Il disait : « Sois maudit dans la ville, sois maudit