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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/253

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sa substance ? jusqu’où s’étendent les qualités que nous proclamons ? comment est-il partout ? nous l’ignorons. C’est pourquoi, après avoir dit comment cette science est merveilleuse ; après avoir proclamé la prescience, le pouvoir de créer, de prévoir, la substance incompréhensible, inexplicable, il énonce un autre pouvoir, plein de mystère aussi, dès qu’on cherche à l’expliquer, car ce pouvoir est incompréhensible en lui-même. Qu’est-ce donc ? « C’est votre main qui me conduira là, et, ce qui me soutiendra, c’est votre droite ; » c’est-à-dire, vous pouvez faire que les hommes tombés dans de grands et terribles malheurs, n’y restent pas comme des prisonniers ; vous les délivrez au milieu même des plus grands dangers.
3. Pour expliquer cette pensée, il ajoute « Et j’ai dit : peut-être que les ténèbres me fouleront aux pieds, mais la nuit même s’illumine dans mes plaisirs. Parce que les ténèbres ne seront pas obscures grâce à vous, et que la nuit sera lumineuse comme le jour (11). Ainsi les ténèbres de l’une, ainsi la lumière de l’autre (12) ; » après l’énumération que j’ai parcourue, après avoir montré, non seulement Dieu présent partout, mais Dieu conduisant, protégeant, fortifiant, il ajoute ensuite, il montre non plus la merveille de cette force qui protège, mais la merveille de ce pouvoir supérieur à la nature. En effet, après avoir dit : « Ce qui me soutiendra, c’est votre droite, et elle me conduira », il ajoute : « Et j’ai dit : peut-être que les ténèbres me fouleront aux pieds. » Un autre texte : « Si je dis : peut-être les ténèbres me couvriront ; » un autre : « me cacheront. »
Les ténèbres marquent ici l’affliction ; ce que dit le Psalmiste, revient à ceci : j’ai été assiégé par les maux, et j’ai dit en moi-même, les maux triompheront de moi. C’est en effet ce que signifie cette expression : « Les ténèbres me fouleront aux pieds. » Un autre texte : « Les ténèbres me couvriront. Et la nuit s’illuminera dans les plaisirs ; » un autre texte : « La nuit deviendra lumineuse autour de moi. » Qu’est-ce que cela veut dire ? j’ai parlé ainsi, dit le Psalmiste, parce que j’étais préoccupé de la nature des choses, mais tout à coup les maux se sont convertis en bien ; ou plutôt, les maux n’ont pas été changés en biens, mais, dans la persistance même des maux, j’ai senti les doux effets de la bonté. Il ne dit pas en effet, la nuit a été détruite, mais la nuit était lumineuse ; c’est-à-dire la nuit, demeurant la nuit, les maux, les calamités (car c’est là ce qu’exprime le mot nuit), n’ont pas pu me fouler sous leurs pieds. Mais la lumière a brillé dans la nuit, c’est-à-dire, une puissance m’a défendu. En effet, les contraires naissent, apparaissent au sein des contraires, quand il plaît à Dieu. N’avez-vous pas vu la même fournaise et en même temps un feu dévorant et une rosée rafraîchissante ? ni la flamme ne s’éteignait, ni la rosée ne se desséchait ; grêle et flamme s’accordaient ensemble. D’où vient cela, répondez-moi ? Comment s’est opéré ce prodige ? je veux le savoir, ou plutôt, non ; je ne veux pas savoir ce comment, car c’est impossible. J’ai foi à ce qui est arrivé, et j’adore Celui qui a opéré l’œuvre. « Car le plus grand nombre de ces œuvres sont des secrets. » (Sir. 16,22) Ne vous souvenez-vous pas, que les Égyptiens en plein jour marchaient à tâtons, comme dans les ténèbres, que les Israélites voyaient au contraire dans les ténèbres comme en plein jour, et que, dans le principe, tandis que les ténèbres régnaient partout, la lumière éclata tout à coup au milieu d’elles ? C’est que partout Celui qui a fait la nature est le maître des choses, non de telle sorte qu’il produise ce qui n’existe pas, mais de telle sorte qu’il modifie la nature des choses existantes. « Parce que les ténèbres ne seront plus obscures par vous. » Un autre texte : « Auprès de vous. Et la nuit sera lumineuse comme le jour. » Un autre texte : « Mais la nuit même paraîtra comme le jour : ainsi les ténèbres de l’une, ainsi la lumière de l’autre. » Un autre texte. « Semblables sont ses ténèbres et sa lumière. » C’est avec raison que le texte dit : « Par vous ; » ce qui signifie, grâce à vous. Le Psalmiste exprime cette pensée : si vous le voulez, Seigneur, les ténèbres ne seront plus des ténèbres, mais produiront l’effet de la lumière. Voilà pourquoi il ajoute : « La nuit sera lumineuse comme le jour ; » c’est pour éclaircir sa pensée ; il veut dire : La nuit fera paraître ce qui est le propre du jour, comme si c’était le propre de la nuit. C’est qu’en effet, lorsqu’il plaît à Dieu, les éléments opèrent ce qui est contraire à leur nature, aussi facilement que ce qui leur a été attribué en propre, dès l’origine des choses. Oui, si vous le voulez, la nuit sera capable de montrer la lumière, aussi bien qu’elle montre les ténèbres.